Madame Bovary ou Flaubert par lui-même ?

Souvenir d’une lecture de 1978

C’est étrange, j’ai lu madame Bovary il y a 40 ans sur décision éducative ! Quand notre prof de français nous a dit de l’acheter. J’étais désespéré, j’aurais préféré Au bonheur des Dames de Zola. Et puis elle nous a dit de lire le premier chapitre pour le mardi matin en 15. le premier week-end je terminais la lecture complète du roman.

Je crois que j’étais dans l’état de Pollock quand il parlé de Picasso : « C’est un sale type, il ne nous a rien laissé à inventer » ! Après la lecture, je me suis dit qu’il était impossible d’égaler une telle écriture.

Je ne l’ai jamais relu, mais je garde un étrange souvenir linéaire qui va d’une fête de mariage paysanne, à une mort glauque, après une course impossible après une vie romanesque.

Madame Bovary est d’une lecture qui exige de faire un détour du coté de son propre temps perdu. C’est un roman au suspense hitchcockien dont on entend le tic-tac de la bombe sous la table et dont on se demande quand va-t-elle exploser.

Alors pourquoi Madame Bovary pouvait menacer l’ordre bourgeois si bien établi sous ce deuxième empire de 1856 au point de lui faire un procès ?

Est-ce Parce qu’Emma Bovary est mauvaise mère ? Elle subit une maternité imposée par le pater familia et la société, et elle se contre-fiche de cette descendance. Du reste on oublie vite qu’on a affaire à une mère de famille.

Est-ce parce que c’est le père Charles Bovary qui joue le rôle de la mère auprès de sa fille ? Effroyablement impensable dans la société bourgeoise, patriarcale et phallocrate de cette époque. Tiens est-ce que cela a changé ?

Emma Bovary ne fait rien d’utile dans la maison ; elle trouve son avorton d’époux incapable, moche, idiot et tue l’amour et refuse de prêter son corps à elle, à lui. Aïe ! le bourgeois de l’époque, qui est si sur de son droit sur sa femme n’a pas du aimer cela.
Et le mariage, cette belle institution qui fait rêver les jeunes filles américaines au point ou d’être le climax rêvé de toute bonne comédie sentimentale, pour le coup Madame Bovary s’en contrefiche de cette belle institution du mariage. (Le divorce autorisé après la révolution française était de nouveau interdit depuis 1816 et qu’il fallut attendre 1884 pour qu’il soit à nouveau possible sous certaines conditions restantes très patriarcale.

Et la religion est le catholicisme de l’époque, pas celui du Pape François. Elle est un cache misère qui n’aide pas celles qui se cherchent.

Les supériorités des élites sociales de cette époque. Dès le bal chez les nobles on sait bien que l’aristocratie est une faribole où l’on s’ennuie, les belles manières n’ont aucun sens. Et L’aristocratie est talonné par la bourgeoisie d’argent avec le goût du beau en moins. Emma sera la maîtresse d’abord d’un noble puis d’un bourgeois en devenir : le constat est le même, la vacuité.

Et déjà avant l’heure le mythe du progrès est détruit par les mots comme aujourd’hui, on voudrait nous faire croire que l’innovation des techno-scientistes le visage d’un progrès universel. Et qui montre que l’ascension sociale n’existe pas. Emma est une petite paysanne, dans le fond. Une paysanne qui a sa grandeur mais voudrait se rêve princesse. Elle finit minable. Ses amants sont minables, son mari est minable, le pharmacien est minable et tous veulent la gloire, Pathétique.

Gustave Flaubert remet en question le monde bourgeois et patriarcale de son époque.

Si vous lisez Madame Bovary comme un roman divertissant, vous loupez quelque chose. C’est un roman des plus noir comme ceux du 20ème siècle. Et il est d’une effroyable modernité. Ce roman 40 ans après est encore présent chaque fois que je vois les dégâts du patriarcat bourgeois encore très prégnant.

N’est pas la « marquise des anges » qui veut !

Quelques extraits

Tout ce qui l’entourait immédiatement, campagne ennuyeuse, petits bourgeois imbéciles, médiocrité de l’existence, lui semblait une exception dans le monde, un hasard particulier où elle se trouvait prise, tandis qu’au delà s’étendait à perte de vue l’immense pays des félicités et des passions. Elle confondait, dans son désir, les sensualités du luxe avec les joies du cœur, l’élégance des habitudes et les délicatesses du sentiment.

Mais elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l’ennui, araignée silencieuse filait sa toile dans l’ombre à tous les coins de son cœur.

Ils se connaissaient trop pour avoir ces ébahissements de la possession qui en centuplent la joie. Elle était aussi dégoûtée de lui qu’il était fatigué d’elle. Emma retrouvait dans l’adultère toutes les platitudes du mariage.

Vous profitez impudemment de ma détresse, monsieur ; Je suis à plaindre, mais pas à vendre.