Citations rencontrées
Dans le sillage de ces travaux, on a pu considérer que le management et la « gestion des « ressources humaines » avaient quelque chose de criminel en soi, comme le film La Question humaine l’a suggéré avec insistance et non sans talent. De l’objectification d’un être humain, ravalé au statut de « matériau », de « ressource ou de « facteur de production », à son exploitation, voire à sa destruction, la concaténation a sa logique, dont le lieu de destruction par le travail (à partir de 1939) et de production économique, est le lieu paradigmatique.
Le long texte de Stuckart, pour être touffu, n’en reste pas moins vague. Sans notes de bas de page, il n’est ni scientifique, ni démonstratif, mais purement prescriptif : c’est une accumulation d’assertions et d’injonctions à être
comme ceci, ou à faire comme cela. En l’espèce, Stuckart prône avec vigueur « l’élasticité, la joie au travail, la proximité à la vie et la vitalité », et en appelle à « l’initiative créatrice »…
Pour faciliter le travail des administrateurs, une « simplification » normative (Vereinfachung) est souhaitable, afin de lever les verrous, de libérer les énergies et de prévenir les entraves à l’action. Dans sa grande sagesse, le Führer a d’ailleurs pris, nous rappelle Walter Labs, un décret de simplification de l’administration le 28 août 1939. Tout est dit dans le titre de ce texte, ainsi que dans son article premier : J’attends de toutes les administrations une activité sans relâche ainsi que des décisions rapides, libérées de toutes les inhibitions bureaucratiques .
Néfaste et funeste, l’État l’est d’autant plus qu’il semble prendre un malin plaisir à entraver et étouffer les forces vives » par une réglementation tatillon ne, mise en œuvre par tous les ronds-de-cuir sans imagination et tous les eunuques serviles qui peuplent la fonction publique : ce caillot réglementaire, cette infection administrative coagulent le sang, les flux et
les dynamiques de la race germanique au lieu de les fluidifier et d’encourager leur circulation. Dans ces conditions, la thrombose est inévitable, et la mort est certaine si un tournant salutaire n’est pas pris. Les multiples appels à la « simplification » des règles et « esprit bureaucratique », la stigmatisation violente des fonctionnaires et des juges qui ont encore le mauvais esprit d’appliquer la loi – tout cela procède de l’héritage social-darwiniste et participe d’un idéal de libération de la germanité, encore trop entravée par des lois rédigées et promulguées par des Juifs.
La conversion de l’ancien SS aux principes d’individualisme et d’autonomie n’était cependant qu’apparente : entre ce que Höhn prône et écrit dans les années 1933-1945 et ce qu’il enseigne à partir de 1956, il n’y a aucune solution de continuité, mais bien une impressionnante suite dans les idées.
Pendant les douze ans de la domination nazie en Allemagne, un régime hostile à la liberté a prétendu être, par la voix de ses juristes et théoriciens, la réalisation de la liberté « germanique ». Un de ses intellectuels est devenu, après 1945, le penseur d’un management non autoritaire – paradoxe apparent pour un ancien SS, mais apparent seulement, pour celui qui voulait rompre avec l’État absolutiste, voire avec l’État tout court, et faire advenir la liberté d’initiative de l’agent et des agences.
Cette liberté était cependant une injonction contradictoire : dans le management imaginé par Höhn, on est libre d’obéir, libre de réaliser les objectifs imposés par la Führung. La seule liberté résidait dans le choix des moyens, jamais dans celui des fins. Höhn est en effet tout sauf un libertaire ou un anarchiste : les milliers d’entreprises (2 440 de 1956 à 1969) qui lui envoient leurs cadres en sont pleinement conscientes.
Les contradictions se cumulent ainsi aux paradoxes. Premier paradoxe apparent : un ancien SS imagine un modèle de management non autoritaire. Second paradoxe : l’injonction contradictoire de la liberté d’obéir. Cette accumulation de contradictions semble constitutive d’une perversion bien réelle, au sens le plus classique du terme : la méthode de Bad Harzburg, comme les méthodes de management par objectifs qui lui sont apparentées, repose sur un mensonge fondamental, et fait dévier l’employé, ou le subordonné, d’une liberté promise vers une aliénation certaine, pour le plus grand confort de la Führung, de cette « direction » qui ne porte plus elle seule la responsabilité de l’échec potentiel ou effectif.
La conséquence de ces contradictions et de cette perversion est tout sauf théorique : ne jamais penser les fins, être cantonné au seul calcul des moyens est constitutif d’une aliénation au travail dont on connaît les symptômes psychosociaux : anxiété, épuisement, « burn out » ainsi que cette forme de démission intérieure que l’on appelle désormais le « bore out », cette « démission intérieure ».
Des penseurs politiques, sensibles à cette évolution économique, ont répondu très tôt que le salut résidait dans le refus – refus de la hiérarchie, de l’autorité, refus de la contrainte et de la subordination – en somme l’anarchie, au sens le plus strict du terme (le refus du pouvoir de contrainte).
Leur réponse inaugurait une nouvelle société politique, sans sociétés économiques, sans, ou alors de taille très réduite. L’idéal, comme chez Rousseau déjà, se révélait être le travailleur indépendant – l’horloger ou le lapidaire jurassien, le producteur libre ou l’artiste, chantés par Proudhon, et chers à son compatriote Courbet, qui partageait ses idées.
Ces auteurs et ces idées n’ont cessé d’inspirer des pratiques alternatives, des coopératives égalitaires aux reconversions néorurales, en passant par les retrouvailles de cadres lassés par leur aliénation avec une activité artisanale enfin indépendante. Une Arcadie « an-archique », délivrée de la subordination et du management, qui n’est pas un paradis pour autant. La réalité du travail, de l’effort à fournir, d’une certaine anxiété face au résultat, demeure, mais sans l’aliénation. « Qu’il est doux de travailler pour soi », entend-on chez ceux qui sont heureux de réhabiliter une maison et d’en faire revivre le potager.
Solipsisme naïf et irresponsable ?
Peut-être pas, comme le montre le succès de l’économie sociale et solidaire – et le partage des légumes dudit potager : on peut travailler pour soi et être utile aux autres. On se situe ici aux antipodes des structures, des idéaux et du monde de Reinhard Höhn, auquel on peut préférer Hegel : le travail humain, c’est le travail non aliéné, qui permet a l’esprit de se réaliser et de se connaître par la production d’une chose (res) qui l’exprime et qui lui ressemble – pâtisserie ou bouture, livre ou objet manufacturé – et non cette activité qui réifie l’individu, le transforme en objet – « ressource humaine », « facteur travail », « masse salariale » voué au benchmarking, a l’entretien d’évaluation et à l’inévitable réunion Powerpoint.
Discipliner les femmes et les hommes en les considérant comme de simples facteurs de production et dévaster la Terre, conçue comme un simple objet, vont de pair. En poussant la destruction de la nature et l’exploitation de la « force vitale » jusqu’à des niveaux inédits, les nazis apparaissent comme l’image déformée et révélatrice d’une modernité devenue folle – servie par des illusions (la « victoire finale » ou la « reprise de la croissance ») et par des mensonges (« liberté », « autonomie ») dont des penseurs du management comme Reinhard Höhn ont été les habiles artisans.
Son destin personnel montre toutefois que ces idées n’ont qu’un temps et que leurs auteurs ont leur époque. Hõhn a pâti des révélations sur son passé et des critiques adressées à son modèle managérial – critiques internes, fourbies par d’autres modèles. Les temps peuvent également changer sous l’effet de circonstances plus générales et plus pressantes : notre regard sur nous-mêmes, sur autrui et sur le monde, pétri de « gestion », de « lutte » et de « management » par quelques décennies d’économie hautement productiviste et de divertissements bien orientés (de « l’industrie Walt Disney », du « maillon faible », aux jeux concurrentiels de télé-réalité) changera peut-être en raison du caractère parfaitement irréaliste de notre organisation économique et de nos « valeurs ».
L’expérience de lecture
AVERTISSEMENT : Macroniste s’abstenir !
Je suis en colère.
Cette colère est devenue rage. Et cette rage a commencé maintenant à s’attaquer à mon corps, à mes organes, à mon foie, mes poumons.
Et cette colère, puis cette rage trouve sa source dans le monde demi-divin (semi-jupitérien) macroniste, de ce monde LREM qui détruit tout ce qui reste de manifestation de Fraternité (ou Soro-Fraternité comme j’aimerais pouvoir l’écrire) de notre pays, le mot Liberté à perdu son sens et égalité deviens une sombre équité, ce « mérite » cher à Buchenwald. Et ces être humains élus sous l’étiquette LREM se revendique du management moderne
Et…
Et j’ai lu cet essaie. Et il m’a éclairé sur la source de ma rage. Comment des personnes humaines peuvent-être s’enténébrer ainsi ? Comment peuvent-elles ne pas voir l’appel au néant qu’elles émettent ? LREM est l’étiquette de « Manager le pays comme on Manage une multinationale capitaliste » (Manger le pays comme on mange les personnes humaines d’une industrie capitaliste).
Et j’ai compris pourquoi certain présentateurs radio ont voulu discréditer le travail de monsieur Chapoutot. Par aveuglement, pas l’aveuglement de l’obscurité créative des insomniaques, non, celle des ténèbres destructrice né de la peur de l’à venir. Chapoutot nous dit d’où tous cela vient. Il nous expose la genèse du management totalitaire ultra-libérale. Le Nazisme est un totalitarisme comme le fut le stalinisme comme l’est l’ultra-libéralisme.
Maintenant, je peux regarder ma rage en face, puis ma colère, je pourrais regarder son cheminement et son effet et je sais qu’une fois qu’elle sera passé, je pourrais me retrouver et alors je serais libre à nouveau de désobéir en conscience et en amour. Ce cour essai fut pour moi une belle thérapie.
Macroniste s’abstenir au risque d’être déstabilisé !