Rassemblez-vous braves gens D’où que vous soyez, Et admettez qu’autour de vous L’eau commence à monter. Acceptez que bientôt Vous serez trempés jusqu’aux os, Et que si vous valez La peine d’être sauvés, Vous feriez bien de commencer à nager Ou vous coulerez comme une pierre, Car les temps sont en train de changer.
Venez écrivains et critiques Qui prophétisez avec votre plume, Et gardez les yeux ouverts La chance ne reviendra pas. Ne parlez pas trop tôt Car la roue tourne toujours, Et elle n’a pas encore dit Qui était désigné. Le perdant de maintenant Pourrait être le prochain gagnant, Car les temps sont en train de changer.
Allons sénateurs et députés S’il vous plaît écoutez l’appel, Ne restez pas dans l’embrasure N’encombrez pas le hall. Car celui qui sera blessé Sera celui qui n’a pas avancé. Il y a une bataille dehors Qui fait rage, Elle secouera bientôt vos fenêtres Et ébranlera vos murs, Car les temps sont en train de changer.
Venez mères et pères De partout dans le pays, Et ne critiquez pas Ce que vous ne pouvez pas comprendre. Vos fils et vos filles Sont au-delà de vos ordres, Votre vieille route Est en train de vieillir rapidement. Ne restez pas sur la nouvelle Si vous ne pouvez pas nous aider, Car les temps sont en train de changer.
La ligne est tracée La malédiction est lancée, Ce qui arrive lentement maintenant Va bientôt s’accélérer. Comme le présent de maintenant Sera plus tard le passé, L’ordre établi change rapidement. Et le premier maintenant Sera bientôt le dernier. Car les temps sont en train de changer.
La tragédie de Léto, re-voir, re-lire, le re-tour du « re »
Pour la 13ème fois je termine la tragédie de Léto II de Franck Herbert à travers « Les enfants de Dune » et l’Empereur Dieu de Dune ». J’entends la question : 13ème fois ? Pourquoi ?
Comme la tragédie de Paul dans « Dune » et le « Messie de Dune », c’est une tragédie. Qui ne va pas revoir « Phèdre » ou « Roméo et Juliette » au théâtre sous prétexte qu’il l’aurait vu précédemment ? La réponse est dans la mise-en-scène, lale metteureuse en scène. Un·e lecteuriste est également un·e metteureuse en scène de ses propres lectures. Iel n’est spectateuriste réellement que dans le souvenir de sa lecture.
(Aller, j’arrête avec l’inclusif qui pourtant est nécessaire et je vais plutôt utiliser le féminin qui représente la majorité des lectrices.)
Relire c’est faire l’expérience de sa propre évolution en tant que metteuse en scène, de faire l’expérience de ses propres transformations. Relire est un acte de foi. C’est faire confiance à ses propres métamorphoses et d’être capable d’accepter le constat de ses propres changements intérieurs par la nouvelle mise-en-scène qui va surgir à la re-lecture. C’est accepter de s’aventurer sur une nouvelle création ayant pour base la même chorégraphie des mots.
Je suis un grand digresseur et mes re-lectures bien souvent entraine cette qualité (?) de la digression. L’oraison carmélite est un acte de Foi. Elle demande de faire le silence de l’âme pour vivre l’expérience de la relation amicale avec Dieu. Cette rencontre est intérieure et digressive. La digression est un chemin doré qui permet de ne jamais rester sur une idée fixe, un problème à résoudre par des mots ancrés. Non l’oraison est comme la danse, le Keiko du Kendo ou une partie de jeu de rôle autour de la table avec des joueuses.
La Danse, plus particulièrement la Danse contemporaine qui ne se fixe pas comme la danse classique ou se veut spectaculaire comme les Streets Danses, explore en utilisant et créant un langage non verbal, un langage sacré qui s’aborde par la relation, par la notion de sujet et pas celle d’objet, par la relation subjective et pas l’observation objective, un langage sacré qui provoque une ouverture mystérieuse et profonde chez les danseuses en même temps que les spectatrices.
Léto II. Léto est l’Empereur Dieu. Il est Empereur tenant par ses décisions et son armée si particulière le pouvoir temporel, il est Dieu tenant la puissance éternelle qui exige de son armée d’apprendre à Danser, la danse de la vie, celle toujours inattendue. Il existe et en même temps « était-sera » pour construire le chemin doré, le sentier d’or, la voie de la digression permanente qui ouvre sur l’immortalité de la vie et l’éternité de nos vies, il nous y invite aussi à danser sur cette route en participant à sa création.
Voilà mon RE-DUNE pour la 13ème fois (j’attends avec impatience la sortie des deux derniers tomes, la tragédie du Bene Gesserit dans la collection ailleurs et demain). Je vous invite à vivre l’expérience du « re » comme revoir « sur la route de Madison » revoir les chorégraphies de Pina Bausch ou Dominique Bagouet et Anne Teresa De Keersmaeker et à voir de la danse contemporaine à vous inscrire à du kendo ou tout art martial et à pratiquer le jeu de rôle.
Relisez, empruntez ce sentier d’or. Et si vous le pouvez, poser un acte de foi, priez… Bonne vie à vous tous.
— C’est quoi ça ? — Quoi, quoi c’est ça ? — Oui, c’est quoi cette feuille ? — Cette feuille-là ? Avec ces mots ? — Ne fait pas l’enfant idiot. — C’est ma Pomésie. — Pomésie ? — Oui, poésie pour ma mère. — Ta mère est morte — Oui ma mère est morte.
Ce sont des mots venant de derrière le voile Le voile qu’on ne voit pas Le voile est fragile et invisible Les mots viennent de derrière Ils ne viennent de je ne sais où Ni de Dieu, quoique Nid du diable, c’est sûr Du néant remplis de lumière Des terres de l’univers qui grouillent Qui grogrouillent, rampent, se pénètrent S’engluantent, se poissent et vivent De ces vies primitives Offrant en mourant d’autres vies Et la vie s’organise, s’orgasmique Se complexifie se nourrie de lumière De cette lumière de derrière le voile Où se trouve la falaise bleue La falaise du bord de l’univers Où le grand arbre de lumière blanche Lumière à nulle autre pareille. Voilà d’où viennent ces mots. Voilà ma Pomésie Qui est aussi ma popésie.
La poésie pour mon père De mon père qui s’approche de moi De mon père qui est encore mort Et qui me voit Il regarde ma popésie et demande surpris — C’est quoi ça ?