Parce que je n’en ai pas finis avec mes lectures.
« Je lui demande sa définition de l’érotisme, de la pornographie.
— L’érotisme, la pornographie ?
— Oui.
— Mais ça n’est pas du tout la même chose, mademoiselle ! Il est de bon ton d’affirmer que c’est la même chose, mais ce n’est absolument pas le cas. L’érotisme promet un ailleurs, il est idéaliste. Dans le porno, pas d’ailleurs, c’est un matérialisme. Ce sont deux cousins qui regroupent presque les mêmes éléments, mais qui ne peuvent pas coucher ensemble.
— Et vous, vous penchez naturellement vers quoi ?
— Plutôt pornographe. Il y a un certain panache à affirmer « Je suis pornographe », c’est un peu du snobisme à l’envers. Le pornographe vit sa vie sans espoir d’ailleurs. Il n’est pas frustré, car il n’a pas d’espoir, il n’en a pas besoin.
— Le pornographe est donc malheureux.
— Pas plus malheureux qu’un autre. L’espoir frustre, vous l’avez sans doute déjà remarqué, non ? Ceci dit, je ne sais pas qui a raison. Vous m’avez demandé ma définition, je vous l’ai donnée. Et vous, vous êtes heureuse ? »
Anne Vassivière 122, rue du chemin vert !
« De gré ou de force, inévitablement, nous apprendrons très bientôt qu’on ne triche pas impunément avec les lois de la nature. Ni avec les forces ancestrales de nos cultures.
Critique, ce temps l’est encore par la suffisance qu’il exacerbe. Par son incapacité à recevoir l’altérité. Par son recours au mépris quand il faudrait l’écoute, par son appel à la tolérance quand il faudrait l’amour.
…
Aucune révolution majeure n’a eu lieu depuis plus de cent ans.
…
La précision de nos mesures comme la diversité de nos connaissances ont vertigineusement augmenté. Les progrès sont notables dans tous les domaines. Les prouesses technologiques fleurissent. Mais aucun changement cardinal n’est intervenu. L’ontologie – l’être en tant qu’être – du réel n’a pas été repensée. Peut-être manquons-nous d’audace ou, plus encore, d’insolence.
…
La politique scientifique ne se soucie plus beaucoup de science : elle est construite pour répondre aux indicateurs arbitraires qu’elle invente elle-même afin de se convaincre de son efficacité. Le « droit à l’errance » qui constitue pourtant en réalité, un devoir de rigueur et d’humilité, a été oublié. Supplanter, par exemple, au respect inconditionnel de la singularité, la généralisation d’indicateurs chiffrés de « bien-être au travail » est symptomatique d’un dévoiement du sens. D’une faillite. »
Anomalies Cosmique Aurélien Barrau
Passons sur le débat interne aux savants romanistes concernant la question de savoir si les res communes dans le droit romain auraient émergé dès avant Marciano, sous la plume de juristes et de non-juristes. Ce qui importe, ici, c’est que la notion ait été structurante pour l’Antiquité romaine, et qu’elle se distingue de la res nullius comme de la res publica. Cette dernière, en effet, appartient au peuple romain, tandis que les res nullius, à l’instar des poissons et des autres bêtes sauvages, n’appartiennent à personne mais attendent, en quelque sorte, leur propriétaire : en les capturant, un particulier peut en faire des res privatae. Il n’en va pas de même des res communes, qui, elles, sont à jamais inappropriables dans la mesure où elles appartiennent à l’humanité tout entière.
…
La res nullius, je l’ai dit, n’attend que la survenue d’un propriétaire pour être appropriée. La res nullius in bonis, elle, renvoie à ce qui est retranché de la sphère de tout ce qui est appropriable pour être réservé aux dieux ou à la cité. « L’institution de réserves sanctuarisées fait apparaître, par contraste, le reste du monde, qui n’est autre que celui du droit privé, comme vierge de sacralité et de religion. Là, toutes choses s’approprient, s’aliènent et relèvent de procédures civiles d’évaluation². » Cette « sanctuarisation, en somme, libérait tout le reste³ ». Ainsi d’un édifice sacré : il « n’est pas une personne, mais une chose qui est à elle-même indisponible et qui est représentée par les administrateurs publics du sacré ». Outre les basiliques et les temples, quelles sont les res inscrites par le droit dans l’aire du « sacré », du « religieux »
soustraites à l’espace marchand ? Tout ce qui relève d’un usage « public ». Yan Thomas précise ainsi que nul ne pouvait acheter une chose dont « l’aliénation est interdite, comme les lieux sacrés et religieux ou les choses dont on ne fait pas commerce, non en ce qu’elles appartiennent à la cité, mais en ce qu’elles sont destinées à l’usage public, comme le Champ de Mars.
Gaël Giraud Composer un monde en commun
Quoi de commun entre ces trois extrait, ce roman et ces deux essais ?
Entre La matière et l’idée ?
C’est la venue du Sujet. Le roman d’Anne Vassivière est une ode au sujet contre la mise en objet, et les deux autres essayistes nous invitent à réfléchir sur le statut de l’objet, objectif comme si si être objectif était la preuve de certitudes. Et le sujet ? Le subjectif fait les relations, Il est construit de confiance et d’inattendu souhaitable.
Le sujet est anticapitaliste
Le sujet est une porte ouverte dont la clé est l’insolence, l’insolence de l’érotisme, l’insolence de la science et l’insolence du christianisme.
J’explore encore mes propres lectures parallèles et je découvre que les choses, les « res », sont liées, reliées, en relation subjectives entres elles, par un sujet, une idée. Et que les objets ne peuvent pas se réduire à leur fonction, mais bien par leur épanouissement en relations offrant la création de beautés inattendues et changeantes en permanence.
Alors oui :
Le capitalisme est pornographique,
Le commun sacré est érotique.