NO SOCIETY par Christophe GUILLUY

Note : 3 sur 10.

Quand en chemin on oublie les questions

Bien sur, ce qu’il écrit fait encore un lointain écho à ce que je ressens, à ce que nous ressentons, lorsque entres collègues, ami.e.s, copain.ine.s et compagn.es.ons nous conversons ensemble. Certes nous ne conversons plus comme dans les grands salons du 18ème siècle, nous sommes juste plus inquiets avec une petite contamination par un non-espoir dans un avenir lumineux. Nous avons le sentiment que s’approche de nous, le jour de l’éclipse de Berserk que la lumière des possibles et des inattendus d’une création retrouvé.
Christophe Guilluy qui pouvant encore avant 2010 nous aider à voir plus claire, semble avoir sombrer dans la lèpre médiatique du polémiste. Ce qui est écrit est moins démontré, plus asséné, plus coup de point, qu’appelle à se poser des questions. J’ai le sentiment d’être envahi de réponses, et de constat sans liberté possible.
En en ces temps de « pandémie » où la confiance en une certaine classe de manager, politique, énarque, et autres grandes écoles d’aristocrate et méritocrate, il n’est pas celui qui est nécessaire. Il ne permet d’entrouvrir aucune porte. Son essai me semble plus ressembler à ces temps d’une pensée Zémourienne et autre Onfraiiste qu’une pause dans le temps qui permet de se poser les questions communes. Qu’est-ce qui nous relie encore en tant que personnes humaines, en temps qu’humanité. Je suis très déçu par ce livre, qui je pensais, ouvrirait des questions auquel nous ne nous étions pas posés et qu’il fut agréable de malaxer ensemble et transformer personnellement.

Certes j’ai relevé quelques citations, mais elles ne sont que des constats de plaies purulentes existantes et futur*, plus que, des éclairages opportuns sur des portes de sortie vers un « à venir »** retrouvé. Finalement ce livre est dispensable.

* Futur : il est calculé et relève de big data, il est certain et seul le désastre (perte des astres, du sens) le détruit
** Avenir : Toujours en création, il est inattendu, même si incertain ou improbable, il survient et nous fait participer à la création.( il est fait de catastrophe, fin d’histoire et commencement de nouvelle – l’apocalypse est un avenir par un futur)

La question qui m’obsède est « comment retrouver une sorofraternité » qui ne soit ni Bisounours, ni néolibéralement « bienveillante » ? Bientôt je lirais le dernier essai d’Emmanuel Todd, qui possède encore une certaine dose d’humour. Mais je me sens plus proche actuellement, d’une personne comme Barbara Stiegler.

Quelques citations – je vous laisse libre

En regardant les Gilets jaunes à la télévision, la nouvelle bourgeoisie, la bourgeoisie « cool » des grandes villes, semblait découvrir la dernière tribu d’Amazonie. Le surgissement des classes populaires dans le débat public a fait imploser toutes les représentations sociales, géographiques et politiques imposées par le monde « d’en haut ».

La panique qui gagne le monde d’en haut est liée remise en cause de la posture morale sur laquelle il avait assis sa domination. L’émergence d’une contestation populaire et périphérique déstabilise en effet moralement une bourgeoisie « cool » et bienveillante qui fondait son hégémonie culturelle et politique sur l’invisibilité des classes populaires. Prenant peur, une partie des élites renvoie les classes populaires au fascisme mais il est trop tard. Les classes populaires occidentales sont en train de gagner sur l’essentiel : la bataille des représentations culturelles. Exclues, ostracisées, précarisées, sans pouvoir économique ni politique, elles semblaient sorties de l’Histoire.

On peut aussi évoquer sans risque l’importance du nombre de pauvres et inversement s’indigner de l’enrichissement du 1% (voire du 0,1 %) des plus riches d’entre nous. Si elles pointent certaines dérives du modèle, ces représentations ne remettent pas en question l’essentiel : la permanence d’une classe moyenne majoritaire. Elles valident donc en creux le modèle économique existant. La classe moyenne ne serait ainsi qu’une classe en mutation, en voie de s’adapter aux nouvelles normes économiques et sociétales d’une société mondialisée. Les politiques et experts préfèrent d’ailleurs toujours utiliser les termes « mutation » ou « transition >> plutôt que ceux, trop clivants, de « rupture » ou de « fracture Cette novlangue ? « transitionnelle » ou « mutationnelle » permet opportunément de mettre sous le tapis l’idée même d’intérêts de classe divergents.

Ce n’est donc pas un hasard si le romantisme révolutionnaire de la bourgeoisie n’atteint plus les classes populaires. Il faut dire qu’elles ont intégré depuis longtemps l’idée que « la révolution n’est pas un dîner de gala, c’est un acte de violence  » dont elles sont le plus souvent victimes et qui, in-fine, répond d’abord et avant tout aux aspirations de la bourgeoisie et de la classe dominante. Il n’est donc pas si étonnant que le programme du candidat Macron ait été si peu entendu par le monde d’en bas et au contraire plébiscité par les classes supérieures. A l’instar de leurs glorieux ancêtres, les nouveaux bourgeois continuent à lever le poing, à vouloir entraîner le peuple vers la lumière et le progrès, mais ces révolutionnaires de salon prêchent aujourd’hui dans le désert.