Le geste de mon père binant le tabac
Fluide, léger caressant pour chaque plant.
Ce geste double, d’un S et d’une apostrophe,
Répété 50000 fois.
Ce geste est attention,
Intention pour la jeune pousse de tabac
Ce geste est pur,
Ce geste est sa prière, son oraison, sa bénédiction*.
Le geste, du cousin de mon père, boulanger
Dès le soir venu, il sait l’heure du premier pétrin,
Il y a de la pluie dans l’air, alors ce sera deux heures ce matin.
Il y aura moins d’eau, et un peu plus de levain
Il devra aussi pétrir une fois de plus.
Il sent aussi que demain.
Ses patients voudront du pain blanc.
Alors il pétrit
Ses mouvements sont purs
Ses mouvements sont sa prière, son oraison, sa bénédiction*.
Le trader dans la salle de marché,
Hurle, crie, court.
Encore plus d’argent avec l’argent
Encore plus de calcul
Encore plus de paris,
Encore plus d’offrandes à Mammon !
Il n’a plus de prière et pas d’oraison, malédiction**.
Ce matin,
Je pense au coiffeur et à la coiffeuse,
A l’éboueur et l’éboueuse de nos âmes,
A l’infirmière et à l’infirmier,
Et à tous ceux et celles qui ont métier.
Je pense à leur prière, à leur oraison, à leur bénédiction*.

*Bénédiction, bien dire
**Malédiction, mal dire