NON, Non et non [‘xclamation] Non à vos ‘nnovations [‘xclamation] C’qu’on veut [‘ntérogation] On veut le nouveau On aspire de la nouvelle On respire de la bonne nouvelle
S’enivrer du Anne Vassivière Au bord du lac de Cervières Spéléologier du Proust Dans son propre jardin boisé Replonger dans Herbert Au bord du Désert d’Aurore
Une phrase, complexité du désir Un ‘ragraphe, profondeur des rêves inaboutis Un chapitre, inattendu du Cosmos Au bord de l’eau un instant Tous les bords d’eau de l’univers Ou quelqu’un se pose
Peu importe les portes La folie de traverser S’y retrouver en table ronde Déposer nos questions en Montagne Y accorder l’écho d’Amour. Oser strictement se sourire Emprunter sans rendre les voies nouvelles Tu étais belle Tu étais beau Tu seras belle Tu seras beau Tu existes, lancer au loin Tu rayonnes tous les soleils Dans le regard du corbeau blanc
Et digresser Devenir digresseureuse Ouvrir puérile, chaque porte Se perdre et te trouver Te perdre et se trouver Revenir Se poser aux champs de Mémé Marie Descendre chercher les fruits murs Des cassissiers et des groseillers Remonter et faire les odorantes confitures Sur le vieux poêle en fonte à bois En la bassine en cuivre vieillis.
Alors à la vie inattendue oui et Oui, OUI [‘xclamation]
Ce texte nous a été lu durant l’adoration de la crèche juste avant la dernière messe de la nuit le 24 décembre. Je ne le connaissais pas et j’était loin de me douter quel en était l’auteur, je vous le livre.
«Vous avez le droit d’exiger qu’on vous montre la Crèche. La voici. Voici la Vierge, voici Joseph et voici l’Enfant Jésus. »
L’artiste a mis tout son amour dans ce dessin, vous le trouverez peut-être naïf, mais écoutez. Vous n’avez qu’à fermer les yeux pour m’entendre et je vous dirai comment je les vois au-dedans de moi.
La Vierge est pâle et elle regarde l’enfant. Ce qu’il faudrait peindre sur son visage, c’est un émerveillement anxieux, qui n’apparut qu’une seule fois sur une figure humaine, car le Christ est son enfant, la chair de sa chair et le fruit de ses entrailles. Elle l’a porté neuf mois. Elle lui donna le sein et son lait deviendra le sang de Dieu. Elle le serre dans ses bras et elle dit : « mon petit » ! Mais à d’autres moments, elle demeure toute interdite et elle pense : « Dieu est là », et elle se sent prise d’une crainte religieuse pour ce Dieu muet, pour cet enfant, parce que toutes les mères sont ainsi arrêtées par moment, par ce fragment de leur chair qu’est leur enfant, et elles se sentent en exil devant cette vie neuve qu’on a faite avec leur vie et qu’habitent les pensées étrangères. Mais aucun n’a été plus cruellement et plus rapidement arraché à sa mère, car Il est Dieu et Il dépasse de tous côtés ce qu’elle peut imaginer. Et c’est une rude épreuve pour une mère d’avoir crainte de soi et de sa condition humaine devant son fils. Mais je pense qu’il y a aussi d’autres moments rapides et glissants où elle sent à la fois que le Christ est son fils, son petit à elle et qu’il est Dieu. Elle le regarde et elle pense : « ce Dieu est mon enfant ! Cette chair divine est ma chair, Il est fait de moi, Il a mes yeux et cette forme de bouche, c’est la forme de la mienne. Il me ressemble, Il est Dieu et Il me ressemble ». Et aucune femme n’a eu de la sorte son Dieu pour elle seule. Un Dieu tout petit qu’on peut prendre dans ses bras et couvrir de baisers, un Dieu tout chaud qui sourit et qui respire, un Dieu qu’on peut toucher et qui vit, et c’est dans ces moments là que je peindrais Marie si j’étais peintre, et j’essayerais de rendre l’air de hardiesse tendre et de timidité avec lequel elle avance le doigt pour toucher la douce petite peau de cet enfant Dieu dont elle sent sur les genoux le poids tiède, et qui lui sourit. Et voilà pour Jésus et pour la Vierge Marie.
Et Joseph. Joseph ? Je ne le peindrais pas. Je ne montrerais qu’une ombre au fond de la grange et aux yeux brillants, car je ne sais que dire de Joseph. Et Joseph ne sait que dire de lui-même. Il adore et il est heureux d’adorer. Il se sent un peu en exil. Je crois qu’il souffre sans se l’avouer. Il souffre parce qu’il voit combien la femme qu’il aime ressemble à Dieu. Combien déjà elle est du côté de Dieu. Car Dieu est venu dans l’intimité de cette famille. Joseph et Marie sont séparés pour toujours par cet incendie de clarté, et toute la vie de Joseph, j’imagine, sera d’apprendre à accepter. Joseph ne sait que dire de lui-même: il adore et il est heureux d’adorer»
(Bariona ou le fils du tonnerre, 1940) .
Bariona, ou le Fils du tonnerre est une pièce de théâtre écrite par Jean-Paul Sartre en 1940, à l’occasion de la fête de Noël, alors qu’il est prisonnier des Allemands. À cette époque, Sartre lit la Bible ainsi que les ouvrages du philosophe Heidegger.
— C’est quoi ça ? — Quoi, quoi c’est ça ? — Oui, c’est quoi cette feuille ? — Cette feuille-là ? Avec ces mots ? — Ne fait pas l’enfant idiot. — C’est ma Pomésie. — Pomésie ? — Oui, poésie pour ma mère. — Ta mère est morte — Oui ma mère est morte.
Ce sont des mots venant de derrière le voile Le voile qu’on ne voit pas Le voile est fragile et invisible Les mots viennent de derrière Ils ne viennent de je ne sais où Ni de Dieu, quoique Nid du diable, c’est sûr Du néant remplis de lumière Des terres de l’univers qui grouillent Qui grogrouillent, rampent, se pénètrent S’engluantent, se poissent et vivent De ces vies primitives Offrant en mourant d’autres vies Et la vie s’organise, s’orgasmique Se complexifie se nourrie de lumière De cette lumière de derrière le voile Où se trouve la falaise bleue La falaise du bord de l’univers Où le grand arbre de lumière blanche Lumière à nulle autre pareille. Voilà d’où viennent ces mots. Voilà ma Pomésie Qui est aussi ma popésie.
La poésie pour mon père De mon père qui s’approche de moi De mon père qui est encore mort Et qui me voit Il regarde ma popésie et demande surpris — C’est quoi ça ?