— C’est quoi ça ?
— Quoi, quoi c’est ça ?
— Oui, c’est quoi cette feuille ?
— Cette feuille-là ? Avec ces mots ?
— Ne fait pas l’enfant idiot.
— C’est ma Pomésie.
— Pomésie ?
— Oui, poésie pour ma mère.
— Ta mère est morte
— Oui ma mère est morte.
Ce sont des mots venant de derrière le voile
Le voile qu’on ne voit pas
Le voile est fragile et invisible
Les mots viennent de derrière
Ils ne viennent de je ne sais où
Ni de Dieu, quoique
Nid du diable, c’est sûr
Du néant remplis de lumière
Des terres de l’univers qui grouillent
Qui grogrouillent, rampent, se pénètrent
S’engluantent, se poissent et vivent
De ces vies primitives
Offrant en mourant d’autres vies
Et la vie s’organise, s’orgasmique
Se complexifie se nourrie de lumière
De cette lumière de derrière le voile
Où se trouve la falaise bleue
La falaise du bord de l’univers
Où le grand arbre de lumière blanche
Lumière à nulle autre pareille.
Voilà d’où viennent ces mots.
Voilà ma Pomésie
Qui est aussi ma popésie.
La poésie pour mon père
De mon père qui s’approche de moi
De mon père qui est encore mort
Et qui me voit
Il regarde ma popésie et demande surpris
— C’est quoi ça ?

