Rimbaud le fils par Pierre Michon

Citations

Ce refus d’un maître visible, on l’appelle chez Rimbaud révolte, juvénile révolte, mais c’est très vieux, comme le vieux serpent dans le vieux pommier, comme la langue qu’on parle. C’est dans la langue qui dit je, quand elle passe par- dessus la tête des créatures visibles et ne daigne s’adresser qu’à Dieu.

Comme l’eau dans la roue, on voit bien que ça exulte; on ne peut décider si cela met fin à l’Occident ou une fois de plus le relance; mais à tort ou à raison on s’accorde à penser que c’est miracle d’écrire, à dix-neuf ans, dans un grenier des Ardennes, cette poignée de feuillets hermétiques comme Jean, abrupts comme Matthieu, métèques comme Marc, policé comme Luc; et, comme Paul de Tarse, agressivement modernes, c’est-à-dire dressés contre le Livre, rivaux du Livre.

Expérience de lecture

Pierre Michon a relu une saison en Enfer d’Arthur Rimbaud. Alors il se décide d’en écrire sa critique Babelio. Elle est trop longue, elle déborde, et va au-delà du nombre de mots autorisés. Il se laisse emporter, il est transporté, il nous parle de Rimbaud de son Rimbaud, comme un Proust pourrait nous en parler, comme une Régine Deforges pourrait nous l’offrir. Il nous donne sa propre littérature, une littérature de peintre, de photographe, de poète. Oh, le gros mot est lâché, de Poète.

Le rôle de la poésie est d’entrouvrir une porte, une porte immatérielle, et, qui, suivant son inclinaison donne sur l’enfer du néant ou la création permanente du jardin d’Eden.
Nous avons le choix, nous sommes libres, libre à chaque instant comme un Arthur Rimbaud , comme un Pierre Michon, libre de choisir sur quel vision ouvre cette porte personnelle.
Rimbaud est le dernier des pères de la poésie, père qui n’a pas de fils, Père sans Fils. Père parce qu’abstrait, (suivant son étymologie latine « séparé de »), une mère c’est trop concret pour Arthur Rimbaud, trop charnel, trop présent, trop aimant de manière concrète et possessive.

Pierre Michon nous offre la genèse d’un père qui n’aura pas de fils, il ne peut s’offrir que lui-même et disparaitre, nous laissant à notre tour libre. Libre de suivre Proust, Deforges, Michon ou de retourner explorer Céline.

C’était ma première entrée en lecture de Pierre Michon.
Et je dis, oui, je vous suis.