Les Mitochondries de Mémé

J’ai les mitochondries de ma mère et mes enfants celles de leur mère. Mon épouse. Mémé par mon père n’a pas eu de petites filles par ses filles. Patronyme ! Encore hérité de mon père, mes enfants celui de mon père. 1888 né « Pépé » Etienne. 1894 née « Mémé » Marie. « Je » est Marie. « Je » est né Auzat, nom de mon père. Mais mes mitochondries sont ceux de ma mère, Marguerite. « Je » a épousé Etienne en 1910, « Je » suis 16 ans. 2 ans de plus avant de partir à l’armée pour mon amour. 1912, il part. Service jusqu’en Avril 1914. Enfin on se retrouve. 1914, la guerre, la grande. Mon époux, mon amour est dans la cavalerie, son amitié avec les chevaux. Paysan, il travaillait avec eux en amitié. Cavalerie durant la grande guerre quelle plaisanterie. Comme tous, il a finis dans les tranchées. Et « Je » souffrais d’Angoisses de ne pas le voir revenir. 1916, une permission, notre petite Jeanne vole sa vie de nos amours d’une permission. Jeanne, ma première née. Et oui l’amour des corps, des âmes et des portes de l’esprit peuvent donner naissance à une petite présence. 1918, enfin, fin de cette guerre gravissime. Combien ne sont pas revenus ? Combien sont revenus abimés, brisés ? Mon Etienne est revenu, triste, épuisé, Jeanne avait deux ans. Elle avait mes Mitochondries, comme mes autres enfants. Mon « Petit Paul » est venu en janvier 1921. Ma Germaine en 1925. Monde de paysan d’Auvergne. Qu’est que « Je » connait des mitochondries. Rien en fait. Mais « Je » sait écouter la Messe et « Je » sait le mot vérité en hébreux. EMETH et ses deux racines, Maternité et Mort. Mitochondrie est maternelle et elle décide de la mort cellulaire. EMETH. L’impensable est arrivé en 1940. Et en 1941, il fallait prendre de lourdes décisions. Etienne avait le souvenir de ses amitiés improbables, de ces paysans du Gabon, de ce lointain continent africain. Il avait combattu au coté de frères juifs ! Il prenait la décision pour toute la famille. « Je » rentrait dans de nouvelles années d’angoisses. Mais il était là a coté, et si nous étions tué ce serait en même temps. Les années d’après, rancœur et accidents de chasses. Enfin nous vieillissions ensemble. Mon Etienne est mort en 1966, et « Je » est partie en 1975. « Je » a été Marie. Et mes mitochondries se sont éteintes avec mes filles. Marie et Etienne étaient Mémé et Pépé. Je vous demande pardon de vous avoir un peu oublié.

La voix de Vassivière

Après avoir lu son article aux grands brulés de la vie hier au soir, des rêves me sont venu dans la nuit. Des rêves qui réveillent de cette honte non culpabilisante et qu’au petit matin on peut se réveiller.


Le froid est descendu par la gorge. Le feu brulant des alcools fort ne pouvait plus l’arrêter. La défaite du corps serait totale. Le cœur en dernier se figerait. En premier c’était l’estomac, il devenait de glace lacérée. Au moins, la faim disparaissait. La douleur de celle-ci se dissolvait dans une brume presque apaisante, presque lumineuse. Tout était dans ce presque avant que le froid commence à envahir les intestins. Ô, fabuleux organe, trieur de ce qui devenait humains et de ce qui devait retourner à la terre. Cela cessait de fonctionner. Le froid les pétrifiait en une corole brunâtre et rigide. Puis, venaient les reins. Une colique néphrétique aux dimensions de titan. Impossible d’évacuer un tel cristal, tout en longueur, tout en largeur, tout en douleur, un accouchement qui n’aurait jamais lieu, figée dans une attente sans fin. Alors le mouvement doucement cessé, les jambes s’abandonnées à la torpeur d’une somnolence prématurée. Le froid s’abattait sur la ville, il descendait des sources du nord et il se rependait dans la capitale remontant de la Seine et prenant d’assaut les collines de Belleville. Il trouvait ce corps déjà meurtri, fatigué, abandonné par ses frères humains. Et il le dévorait. Il ne restait plus que les poumons et le cœur à gelé. Alors tout serait accomplis, il n’y avait plus que l’âme à emprisonner dans un sommeil de mort. Seul l’esprit poursuivrait son voyage vers l’éternité. En haut dans les étages des appartements cossus et moins cossus un autre froid s’était installé. Le froid qui dissolvait ce qu’il restait de Fraternité, un vague souvenir, une presque peur de perdre ses deniers dévalués. Le bourg au matin oublierait ses morts de la nuit. Ils et elles se retrouveraient pour parler, discuter, bavarder et répondre aux questions « où placer les avoirs ?», oublieux de ce que c’est que d’être ! Et pourtant au petit matin des femmes, surtout, des hommes parfois, se lèvent et se mettent en chemin pour retrouver et aider ceux que la vie a abandonnée et meurtrie. Ils viennent à eux leurs rappeler qui sont leurs sœurs, qui sont leurs frères. Ils contaminent les cœurs des morts-animés retrouvant la vie qui alors réchauffent le ciel de Paris.