Dévorer Jean Giono et plus spécifiquement « Un de Baumugnes » pour en digérer toute la grandeur sans connaitre l’essence de la bourgeoisie, conduit à un malentendu.
Le bourgeois est le mâle qui occupe et, par ses habitudes, habite le bourg. Il s’est donné comme unique spécialité de construire murailles et murs pour se protéger et enfermer ses certitudes. Ainsi se dessinent des rues, avenues, places et impasses qu’il connait parfaitement et maitrise avec suffisance. Il se protège de l’extérieur, de la forêt, de la nature et surtout de ce qui le terrorise au plus haut point : l’inattendu du cosmos. Le bourgeois est une créature de peur qui forge de la certitude en lieu et place de la confiance et de la foi. Il assemble des règles et des lois comme substitut à la justice et à la vérité toujours en mouvement. Il constitue des contrats pour éloigner l’amour et le désir de l’autre, cet inconnu. Le bourgeois est étriqué et anxieux devant tous mysticisme, toute spiritualité et toutes questions communes qui relient les humains entre eux. A la fin, tout ennui, toute pulsion se transforme en lui en perversion, en haine de l’autre. Paniqué par la mort, le bourgeois vole le temps des autres sous sa forme « argent », il l’accumule notamment en leur vendant des objets frelatés. Le bourgeois a conçu un univers fait de néant. Aujourd’hui le bourgeois est néolibéral, athée, ultra-narcissique. Il rêve que le transhumanisme et le big-data du futur calculé sont les réponses à ses frayeurs. Au mieux, le bourgeois pourrait être le jeune homme riche des évangiles, il pourrait être sauvé s’il se libérait de ses peurs.
Le héros d’ »Un de Baumugnes » est un vieil homme qui appartient à la classe sociale la plus basse. Journalier du monde rural, il traverse le monde sauvage pour offrir ses bras et son temps en échange du gîte et du couvert. La menue monnaie lui sert à « boire le litre » avec des gens de rencontre. Il n’est riche que de son amour des autres, de sa foi et de sa confiance en une vérité qui le dépasse.
Dans ce roman, le bourgeois est un paysan physiquement et psychiquement blessé qui enferme sa fille dans une cave car elle a été engrossée en dehors du contrat. C’est dans l’enceinte de ses clôtures qu’il décide des lois, règles et certitudes de son monde, son fusil est son sceptre. Comme chez Thérèse Desqueyroux de Mauriac, l’enfermement des filles et des femmes est une constante dans la manière de procéder de la bourgeoisie.
Le journalier est le héros grec, Hector fortuit qui redonne confiance et rouvre le monde à l’inattendu de la vie ne demandant qu’à se répandre. Ce héros est du « pays d’en haut » où la vérité est construite de confiance et d’amour. Le couple et l’enfant sauvée pourront se rendre alors au « pays d’en haut », le héro restera dans la vallée pour achever son œuvre.
Lire Giono sans comprendre la spiritualité de l’écrivain, c’est comme lire Hannah Arendt ou Simone Weil sans percevoir leur lumière humaine et leur grâce ; c’est se cantonner à l’enfermement bourgeois qui, par décision de Pouvoir, veut définir ce qui est Bô, Aart, Kulture ou Loi.


Je partage tout-à-fait votre opinion comme quoi
« le bourgeois a conçu un univers fait de néant ».
Le règne du transhumanisme et du big-data
sera de courte durée mais il fera de gros dégâts.
N’oublions pas big-pharma et la biotechnologie
(très important la biotechnologie
pour le système de chose final…).
Mais je pense que ce système sert des intérêts
autres que ceux des simples bourgeois…
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