Nous avons joué « La Complainte du Papillon »

Présentation du scénario dans le GROG

« La Complainte du Papillon » s’offre comme un canevas pour les âmes de niveau trois à cinq, tissant l’épopée d’une contrée délaissée, hantée par l’écho d’une bataille séculaire où s’affrontèrent des champions d’antan et un péril désormais tombé dans l’oubli. Les vestiges de ce conflit mythique imprègnent encore la terre, là où le voile séparant le créé de l’incréé se révèle d’une troublante ténuité…

Dans son préambule, l’ouvrage révèle ses desseins et dispense des préceptes pour le maître du jeu, alerte sur les écueils sensibles qu’il effleure — maladies et deuils, en particulier la perte d’âmes enfantines — et éclaire les filaments narratifs cruciaux de l’aventure. Puis, « La Complainte du Papillon » se déploie en un prologue, six actes, et une conclusion. Le prologue nous convie à revêtir, l’espace d’un instant fugace, la prestance des héros immémoriaux dans leur affrontement contre le Prophète, il y a de cela maints hivers, délestant ces figures de leurs attributs légendaires. L’on s’achemine ensuite vers le présent où les protagonistes seront sommés d’entreprendre un pèlerinage vers Noctui, en quête des réminiscences de ce qui s’y est jadis accompli, tout en étant assiégés par des apparitions de plus en plus sinistres et troublantes.

Ce scénario, échappant à l’ordinaire de Donjon et Dragon en sa cinquième mouture, s’est souvent vu le théâtre de l’échec de maintes compagnies d’aventuriers. Néanmoins, il advint que je le proposai un soir à une assemblée réduite de deux joueuses, dont l’une, novice dans l’art de ces jeux de l’esprit, avait façonné une demi-elfe chasseresse de quatrième échelon. Pensant à leur duo, j’avais choisi de les introduire dans l’aventure avec des personnages d’une certaine stature. L’autre âme, jouant le rôle d’un mage également de quatrième niveau, portait en lui des traits de caractère bien trempés : l’une, insurgée contre l’opulence et l’indolence de sa lignée bourgeoise, aspirait à l’harmonie de la nature tout en montrant une certaine tendance à l’autoritarisme ; l’autre, homme de lettres et citadin, quelque peu enclin à l’égotisme et à la fabulation, mais animé par une ardente quête de ressusciter des arcanes engloutis pour en faire jaillir un nouveau savoir.

Le prélude de cette aventure, je désirais, en ma qualité de conteuse, le narrer d’une manière inédite, écartée de la trame prescrite par le manuscrit guide. Nos deux âmes errantes, étrangères l’une à l’autre, étaient chacune immergée dans sa propre quête à travers l’étendue de ce monde, un monde médiéval et fantastique, se reposant de taverne en taverne, offrant leurs services pour prolonger leur errance. Et voici que, par une soirée ordonnée par le destin, elles se trouvaient dans une auberge baignée des mélodies d’un barde. Au terme de chants et de danses qui embrasaient les cœurs, venait l’heure du conte, l’heure où l’on clôt les portes. Ce barde, artisan des mots et des rêves, invita deux âmes parmi l’assemblée à le rejoindre sur les planches et à incarner les héros antiques de la légende, les invitant à révéler ce qu’eux-mêmes auraient entrepris dans cette épopée ancestrale pour démêler et éteindre le fléau d’une épidémie.

Le mage de notre histoire, assumant le rôle du valeureux errant des sables, et la chasseresse, prêtant sa voix à l’antique magicienne elfique, s’adonnaient à ce jeu dans le jeu, guidés par un barde habile en l’art de la mise en abyme.

Quand les acclamations se turent et que chacun se retira dans son recoin privé – car nos deux compagnons avaient les moyens de leur solitude – ce fut alors que le songe vint les visiter, étrange et prophétique. La chasseresse, rêvant d’une nature en résistance, appelait à l’aide face à l’abomination. Quant au mage, il rêvait d’enfance, d’une fillette invoquant le retour à sa mère, un rêve à la tonalité arthurienne, tel un écho lointain de la série Camelot saison 5.

Au lever du soleil, nos deux compagnons de fortune se retrouvèrent, leurs chemins croisés par la grâce d’une nuit de songes et de légendes. Le barde, ombre fugace de la veillée, avait laissé en cadeau le repas de l’aube pour les deux âmes qu’il avait choisies. Ils échangèrent des mots, des présentations timides, et partagèrent les visions nocturnes qui avaient bercé leur sommeil. Le magicien, érudit des anciennes sagas, évoqua un objet de puissance oubliée, fait d’un métal inconnu, couronné d’une relique plus ancienne encore, écho d’un passé englouti dans les ténèbres de l’histoire.

Unis par le mystère et le chant d’une quête imprévue, ils décidèrent de suivre l’appel, cet appel qui semblait émaner des tréfonds de leur être, et qui interrogeait le rôle du barde dans leur destinée. Je ne narrerai point ici l’intégralité de leur périple, mais plutôt la raison de leur triomphe singulier dans la quête qu’ils menèrent avec une noblesse d’âme et une grâce sans pareilles.

Conscients de leur vulnérabilité commune, les deux voyageurs se drapèrent dans la prudence, tissant autour d’eux un voile de mille précautions et surtout sans aucune avidité quant aux objets et richesse a porté de main. Avec une courtoisie sans faille, tel un hommage rendu aux créatures de ce monde enchanté, ils abordèrent la dryade avec respect. Évitant le village, comme pour esquiver le destin lui-même, ils prirent la route du moulin, leur chemin dicté par les indices dissimulés dans le creux des arbres et dans le murmure des cavernes. Ils déployèrent leur savoir, aiguisèrent leur regard et affûtèrent leur esprit, guidés par la compréhension de la légende vivante qui se dévoilait à eux. Ils acceptèrent avec grâce la magie onirique et la tragédie tissée dans le paysage, et, au terme de leur quête, choisirent la voie la plus noble.

La veillée dura cinq heures, un interlude hors du temps où la complicité des deux joueuses éclaira la narration. La débutante, par son jeu sincère et son engagement, s’éleva à la hauteur de la tâche, tandis que l’expérience se tissait dans les éclats de rire et la gravité des instants périlleux. Ainsi me fût-il démontré que ce scénario pouvait être vécu tel une danse onirique et tragique, une pavane sous les voûtes étoilées de l’imaginaire.

Haïku

Aube sur Noctui,
Héros rêvent, brumes dansent,
Légende s’éveille.

Tanka

Ombres du passé,
Combat des âmes perdues,
Village en silence.
Rêves de quêtes oubliées,
Papillon vole au matin.

Sonnet ou presque

Dans la complainte où chante le papillon,
S’entrelacent des rêves en vieux Noctui,
Héros de brume, de légende tissés,
Dans le village où le silence a pris.

Des visions de nuit, écho du combat,
Les ombres des anciens se mêlent au jour,
Deux âmes en quête, par les rêves guidées,
Versent dans l’aventure leur jeune amour.

Au prologue d’un conte, le barde invite,
Dans le jeu de la vie, les rôles s’échangent,
Et sous les voûtes célestes, s’écrit

Le scénario où le mystère s’épanche.
En un éclat de magie et de choix,
La pavane tragique trouve sa voix.