Les démons possédés

Ce dimanche soir de juin 2024, je me suis glissé dans les ombres de la Comédie Française, attiré par les démons de Dostoïevski, revisités non pas par Camus, mais par Erwin Mortier, et traduits par Marie Hooghe sous la direction de Guy Cassiers.

« Les Possédés », ce fantôme de mon adolescence de 1979, l’année de mes 17 ans, a ressurgi avec toute sa force. Mais ce jeu de caméras et d’écrans, cette mise en scène où les acteurs se tournent le dos, m’a laissé froid. Dominique Blanc brille, c’est indéniable, mais cette modernité technique me semble creuse.

Je repense à cette lecture de mes 17 ans, lorsque je me voyais encore vierge de compromis, persuadé que tout compromis n’était que compromission. je questionnais le monde : « La beauté sauvera le monde » ? Et Dostoïevski, ce géant de la littérature russe, s’accrochait à cette idée avec une ferveur chrétienne presque désespérée. Son œuvre est une danse entre le sacré et le profane, entre la foi et le doute, entre la pureté et la corruption. Le Christ, ce symbole de beauté absolue, imprégnait chaque mot, chaque pensée. Dostoïevski nous met face à notre propre reflet, nous montre que l’homme est capable du pire comme du meilleur. Déjà à mes 17 ans et encore aujourd’hui.

Avec « Les Démons », il nous plonge dans ce labyrinthe politique et social, où chaque personnage est une part de notre propre âme tourmentée. Stephan, à l’agonie, nous offre la clé : « Ces démons qui sortent d’un malade et entrent dans des porcs… ». C’est la Russie, cette grande malade, qui souffre de ses propres miasmes et impuretés. La révolte gronde, les idéologies s’entrechoquent, et les hommes se noient dans leur propre folie.
En 1870, la Russie vacillait, l’ordre ancien s’effondrait, et la religion traversait une crise. Les opportunistes, les nihilistes, les anarchistes, tous cherchaient à attiser les flammes de la révolte pour s’emparer du pouvoir, quitte à baigner la terre de sang. Dostoïevski peint ce tableau avec une précision chirurgicale, dévoilant les rouages d’une société en pleine décomposition. Nikolaï et Petr, deux faces d’une même pièce, symbolisent cette lutte entre l’aristocratie décadente et les arrivistes semant le chaos. « Les Démons » sont ces figures mouvantes, insaisissables, qui hantent la Russie et la plongent dans l’incertitude.

Cette lecture était une plongée dans la folie, un voyage sans retour parmi des ombres que j’ai retrouvé plus tard dans le manga Berserk.

Pour conclure, « Les Possédés » est une œuvre complexe, exigeante, douloureuse qui demande une compréhension profonde de Dostoïevski et du contexte de la Russie du XIXe siècle. Cette lecture, avec ses multiples personnages et scénarios apocalyptiques, exige une attention soutenue, mais offre en retour un autre regard sur notre monde d’aujourd’hui de juin 2024.

Comme aujourd’hui, une fois plongé dans cet univers, on ne sait pas où l’auteur nous mène, mais on se laisse emporter, par la demi-folie de ses personnages et les démons de la Russie tsariste.

N.B. : Selon les traductions, le titre varie entre « Les Possédés » et « Les Démons », mais il s’agit de la même œuvre, cette même plongée dans l’abîme de l’âme humaine d’hier et d’aujourd’hui.

Haïku

Sous les feux cruels,
Possédés ou Démons pleurent,
Ombres tsaristes.

Tanka

Caméras, écrans,
Dominique brille, les voix
Des démons résonnent.
Dostoïevski murmure
Folie russe sous le ciel.

Sonnet ou presque

Dans l’antre sombre de la Comédie,
Les Démons dansent, le passé revit,
Stavroguine et Verkhovenski,
Portent la Russie aux abîmes, trahie.

Caméras et écrans jouent le drame,
Le passé éclaire nos âmes,
Dominique brille, éclat de flamme,
Dostoïevski, ma jeunesse réclame.

L’ordre ancien vacille, les idéaux se heurtent,
Le Christ en croix, la beauté sauvera,
Mais les démons en nous demeurent.

Russie tsariste, miroir de nos peurs,
Des possédés au chaos, le monde bascule,
Entre le bien, le mal, l’amour qui brûle.

A mon ami Marc, Repose en paix

Une réflexion sur “Les démons possédés

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.