Ma mère m’offrirait :

Confessions d’une séancière de Ketty Steward

Dans la douceur d’un soir tranquille, le souvenir de mes jeunes années s’éveille au fil des pages de Confessions d’une séancière de Ketty Steward. Ces lectures nocturnes, lorsque ma mère, avec une tendresse infinie, m’offrait les portes d’un monde riche de contes et de légendes de nos régions, s’enchaînent à ce nouveau trésor que j’ai découvert, comme par hasard, en cherchant un autre livre perdu dans le temps « L’évangile selon Myriam ».

Ce petit livre, tel un coffre de secrets anciens et nouveaux, m’a emporté au-delà des mers, dans les Antilles, où le créole danse parmi les récits, où la vie palpite dans chaque ligne. Ketty Steward a tissé dix-huit histoires, miroirs d’un monde à la fois étrange et familier, où les légendes d’antan se mêlent à la réalité contemporaine.

C’est là, dans cette fresque vibrante, que je retrouve l’écho de ma propre enfance, réinventée et réanimée dans les mythes d’aujourd’hui. Ma mère, qui comme je cesserais de le répéter rêvé d’écrire, aurait trouvé dans ce livre un pont entre ses croyances pieuses et la richesse culturelle d’un monde qui lui était autrefois étranger.

Les récits de Steward sont un hommage à la diversité de la vie et à l’universalité de certaines vérités. L’histoire poignante de Papa Dlo, dont les larmes salées continuent de remplir notre mer, résonne comme une parabole moderne sur les conséquences de nos actions, sur la douleur et la rédemption.

À travers ces pages, j’ai été transporté, confronté à la complexité de notre humanité : la bonté et la cruauté, l’amour et la perte, le sacré et le profane. Ce livre n’est pas seulement une collection de contes ; il est un dialogue continu avec nos racines et nos rêves, une manière pour nous, lecteurs, de naviguer dans les eaux parfois tumultueuses de notre propre existence.

Je rends grâce pour ce voyage, pour ce pont entre les mondes que Ketty Steward a si adelphiquement construit. C’est une œuvre qui nous enseigne, nous confronte, mais surtout, qui nous unit en frères et sœurs, de nous et de tout ce qui vit et existe dans notre cosmos, dans la richesse infinie de nos divers héritages.

Haïku

Antilles lointaines,
Récits dansent, créole chante,
L’âme se réveille.

Tanka

Dans les pages, vie,
Contes des îles sous vent,
Créole murmure,
Héritage et douleurs,
Nouveau monde se dessine.

Sonnet ou presque

Au cœur des soirées bercées par des contes anciens,
Ketty Steward tisse avec art les mots du présent.
Dans son livre s’éclairent des légendes des Antilles,
Dessinant pour nous tous des chemins moins hostiles.

Ma mère, guide oublié de mes jeunes passions,
Trouverait dans ces pages des échos, des leçons.
Les récits, comme ponts entre elle et cette terre,
Relient son amour au grand souffle de l’univers.

La mer, par les larmes de Papa Dlo formée,
Chante dans chaque vague une triste vérité.
Les contes, porteurs d’histoires et de mémoires,

Nous parlons de chagrins, de joies, de déboires.
Dans l’encre de Steward, un chemin se révèle,
Pour ceux cherchant la lumière sous l’étoile éternelle.

Quelques extraits

Quand il avait été question de former des petits groupes pour le stage d’observation, elles s’étaient réunies, naturellement, animées du même désir de s’éclater. Elles avaient d’abord postulé auprès d’entreprises ordinaires : Agences de tourisme, boîtes d’informatique ou boutiques de souvenirs. Sans grand succès. Sur l’île au taux de chômage record, les petites unités commerciales n’offraient que peu de postes et leurs salariés étaient trop occupés pour accueillir des stagiaires.
Puis Marie-Odile avait lancé une idée : « On devrait tenter une entreprise de pompes funèbres. Ils ont toujours du travail. Et puis, il y en a une pas très loin de chez moi. Au moins, ce sera différent !

Souvent, je pense à eux trois, je regarde la tache sur mon ventre et je me souviens qu’il n’est pas bon de se moquer des gens différents. ( citation tirée de l’histoire « La po Zombi » )

On raconte qu’un jour, Papa Dlo leva la main sur sa compagne qui, n’en pouvant plus de sa violence, décida de le quitter.
Manman Dlo embarqua avec elle les plus petits poissons et les écrevisses, et s’en alla vivre dans les terres, entre les creux des montagnes.
Papa Dlo regretta son geste, mais il était trop tard. Son chagrin le rendit amer et colérique. Papa Dlo attrapait les pêcheurs, leurs femmes et leurs enfants, pour les noyer. Sa demeure fut nommée l’amer, devenue ensuite la mer. Il pleura à chaudes larmes et c’est pour cela que, aujourd’hui encore, l’eau de mer est salée.
(« Sainte-Marie de la mer« )

Les morts ne sont ni bons ni mauvais. Ils sont les gardiens des lois de la vie. Ce sont nos proches, ceux de l’autre côté.

Bien entendu ma jolie ! Les hommes protègent toujours les hommes. C’est le vice qui les unit !

Papa Flo attrapait les pêcheurs, leurs femmes et leurs enfants, pour les noyer. Sa demeure fut nommée l’amer, devenue ensuite la mer. Il pleura à chaudes larmes et c’est pour cela que, aujourd’hui encore, l’eau de mer est salée.

« Sé pa an volè ki tjwé Monik. Ou sé di yo pa menyen ayen! boug-la anni rantré an kay la épi i ba’y an kout kouto.
− Boug-la? Ki moun ka di’w sé pa an fanm? ou konprann nou pa sa menyen an kouto! ki moun ka fè manjé ba’w? ¬»

Une saison au Thoronet : Carnets spirituels de Pauline de Préval

Dans l’écrin solennel des matins de Carême au dimanche de Pâques, chaque feuillet tourné des carnets de Pauline de Préval devient un pas de plus sur le sentier montagneux de ma foi. Sous le voile des mots, elle guide mes pensées vers des sources plus claires, plus profondes, où la méditation se marie à l’amour et la confiance en une chorégraphie silencieuse mais vibrante. Avec elle, ces jours de 2024 s’illuminent d’une lumière toute particulière, celle de la réflexion et de l’introspection chrétienne.

Pauline, en formidable pèlerine des temps modernes, m’enseigne à vivre en chrétien non par de grandes déclarations mais par son murmure constant d’une vie vécue dans l’humilité et le service. Recevoir, donner, aimer, et témoigner en vérité de mon âme deviennent des actes révolutionnaires dans une ère marquée par le nihilisme et le désenchantement. Ses écrits, imprégnés de cette mission spirituelle qu’elle porte avec la délicatesse d’un souffle sans masque, me transmettent le courage de marcher à mon tour dans cette lumière en vérité.

Ma mère, dont la vie fut une fresque de lutte contre les ombres de la schizophrénie, aurait trouvé un écho dans ces pages. Elle, qui aimait Jésus, Marie, et Sainte Catherine Labourée avec une ferveur que ni la douleur ni la confusion n’ont pu éteindre, aurait vu en Pauline une compagne de route. Elle, qui rêvait d’écrire, d’être parmi ces femmes courageuses qui, avec plume et foi, traversent les tempêtes de la vie, aurait trouvé dans les carnets de Pauline un miroir de sa propre quête de lumière.

Au Thoronet, où l’histoire cistercienne se mêle à la quête moderne de sens, Pauline retrace un chemin de foi qui résonne étrangement avec le notre. L’abbaye, vestige d’un monde où Dieu était la quête ultime, se dresse comme un rappel que, malgré les siècles et les épreuves, le désert de nos cœurs peut toujours être un lieu de rencontre avec le divin.

La résonance de cette lecture m’accompagne, un murmure constant qui me rappelle que la foi n’est pas une possession, mais un sentier. Et dans ce sentier, Pauline de Préval est devenue pour moi une guide, une lumière qui, à travers ses mots, rend palpable la présence de l’Éternel et infini Amour de la vie et du mouvement, seul en communauté ou avec les autres, tous les autres.

Haïku

Matin de Carême,
Dans les mots, un sentier clair,
Foi douce s’éveille.

Tanka

Avec Pauline,
Marcher sous les voûtes anciennes,
Foi se dévoilant,
Chaque page un pas de plus,
Dans la danse de l’amour.

Sonnet ou surtout presque

Dans le silence des matins de Carême,
Je lis, inspiré par une plume sereine,
Pauline guide mon âme qui se démène,
Dans le labyrinthe où la foi elle-même.

Chaque mot une lumière qui suprême,
Éclaire le sentier où le doute peine,
À la maison, en écho, l’esprit traîne,
Vers des vérités que le cœur même sème.

Sa voix dans les carnets, douce et certaine,
Ressemble aux chants des moniales, reine,
Du Thoronet, où se tisse la trame ancienne.

Ainsi je marche, guidé par cette haleine,
De spiritualité pure, jamais vaine,
Pauline de Préval, dans l’âme, elle règne.

Des citations glanées

« Nous paraissons à des années-lumière de ce XIIe siècle où quelques hommes, chevaliers et paysans, moines et convers cisterciens, étaient venus ici chercher Dieu au désert. L’abbaye est devenue monument national. Il faut payer son ticket d’entrée pour la visiter, comme pour mieux consommer la défaite de cette belle rebelle devant l’esprit du monde.

Le monde dont je venais, par contraste, me fit penser à ces « milieux qui laissent un instant surnager ceci, cela: des blocs friables dans des soupes», décrits par Guattari et Deleuze dans Rhizome. Un monde où, coupé des racines qui le relient au monde naturel et au monde surnaturel, n’obéissent plus qu’aux lois de l’évolution technologique, ne construisant plus de temples que pour le commerce et consommant dans l’instant toutes ses possibilités de sens et de permanence, l’homme n’aura bientôt plus lieu d’être.
« 

« Nous connaissons, depuis, une crise sans précédent des représentations. Oui, mais quoi de plus logique que cette nuit des formes dans la nuit de la foi que nous traversons? Quand toute l’histoire de l’Occident depuis le XIIIe siècle avait été celle d’une inversion des hiérarchies de la contemplation vers l’action, d’un basculement des horizons de l’au-delà vers l’ici-bas et d’un retournement des facultés de l’homme de l’intérieur vers l’extérieur, se traduisant par la conquête d’un monde de plus en plus exclusivement réduit à sa dimension matérielle et scientifiquement observable, l’art moderne a eu soif d’explorer de nouvelles voies d’accès au mystère qui en avait été évincé. La photographie a eu cet effet salutaire de tuer l’obsession réaliste dans laquelle on avait voulu l’enfermer, et l’art abstrait celui de briser toutes les formes rigidifiées dans l’académisme dans lesquelles on l’avait fourvoyé. La peinture se trouvait ainsi rendue à sa vocation première qui est de toucher directement l’âme au moyen des lignes et des couleurs. Et Dieu, de son côté, que l’on avait commencé par soumettre à un espace purement géométrique au temps de la Renaissance, avant de le vaporiser, de le décolorer et de l’abstraire au temps des Lumières, retrouvait sa liberté. Mais en rejetant avec les formes anciennes toute référence au réel, de quoi pouvait encore accoucher l’art abstrait sinon d’ombres sans corps? Et dépouillé à ce point de ses formes humaines, trop humaines, combien d’hommes pourraient encore se reconnaître dans le Tout-Autre si Autre qui leur était suggéré ?« 

« Non, Dieu n’est pas mort à Auschwitz ni ailleurs, mais il n’en finit pas d’agoniser dans le cœur des hommes. Et sauf à laisser se perpétuer la barbarie, il faudrait aussi cesser de prendre la conséquence pour la cause: «Hitler est la caricature agrandie du bourgeois sans Dieu », avait écrit Max Jacob avant d’être arrêté par les nazis le 24 février 1944 à Saint-Benoît-sur-Loire où il s’était retiré à l’ombre de l’abbaye de Solesmes. La violence meurtrière qui s’est déchaînée alors ne prouve nullement l’absence de Dieu, mais la vérité profonde du mystère de la Croix, et la tragédie qu’engendre son oubli.« 

« La foi est une grâce qui ne se décrète ni ne se partage. Mais la faim si, et, aujourd’hui, c’est d’abord elle que j’aurais à offrir comme mon bien le plus précieux. Si je n’ai pas toujours eu la foi, j’ai toujours ressenti une faim que j’ai préféré laisser me creuser plutôt que de la combler avec les ersatz de biens qui m’étaient proposés, jusqu’au moment où j’ai réalisé que le manque même qu’elle avait fait grandir en moi s’était mis à me nourrir.« 

Dans le noir chemin JDR

En l’an 2005, aux côtés de Jeane-Paule, de Marc (RIP mon ami), de Gilles (RIP mon ami) et de Pierre, nous achevions l’épique périple « Le Noir Chemin » du JDR Tsuvadra dK.
Vingt ans plus tard, je renoue avec cette aventure, cette fois en compagnie des enfants, ceux-là mêmes qui, jadis, avaient ardemment désiré voir la création de Marmo, le jeu de rôle destiné aux jeunes de 5 à 11 ans. Alors que je me plonge à nouveau dans ces pages, les corrigeant, les réadaptant, je me laisse emporter par une douce rêverie, touché toujours par la poésie de ce poème.

Yeshoua le roi mendiant

À partir de l’année 4042, un jeune homme de vingt-trois ans s’adresse à la foule sur les places des temples des cités du désert. Il évoque une énergie universelle, profonde et unique, une vibration au-delà de toute imagination, qu’il nomme « Amour » dans toutes les langues, affirmant que la prise de conscience de ce lien ne peut se faire qu’à travers l’expérience du contact entre les êtres.

Le poème de Yeshoua

Suis Yeshoua du désert Pissefer
Hérite
J’hérite de la profondeur
Idarie
Noire superficialité Inolmuth
Néant

Elle n’est qu’aimer
Un seul mot
Qui tient tout
Qui relie tout
Vibration infini et sans fin
Du Vide
Un seul mot
Une seule prophétie
Aimer

Idarie sacrifie son être
Explosion
Explosion d’elle-même
Elle avale et inexiste Néant
Inolmuth
Donne naissance
Graine velum

Eden, qui accueille temps non vécu des choix
Primus, qui offre ses primaires
Univers, les univers, Kosmos.

Et je suis la voix dans le désert
Je vous rappelle « Aimer »
Au plus profond de votre intime
Idarie
Au plus profond de votre chair
Idarie
Au plus profond de nous, ensemble
Idarie
Au plus profond de notre connaissance
Idarie
Au plus profond de nos savoirs
Idarie
Et tout émerveille, tout inattendu
Le commun sacré de toutes vie
Idarie