Crépuscule par Juan Branco

Quelques citations

Préface de Denis Robert :
« Je suis entouré d’amis, journalistes, voisins, parents qui, pour la plupart, minimise le mouvement des gilets jaunes. Sur Facebook, l’incendie se propage, mais dans les média mainstream, on avance pépère, traitant les manifestants au mieux d’olibrius ou de beaufs (Jacques Julliard), au pire de racailles cagoulées (Pascal Bruckner), de salopards d’extrême droite ou d’extrême gauche qui viennent taper du policier (Luc Ferry) ou de hordes de minues, de pillards rongès par le ressentiment comme par les puces (F.-O. Giebsert). »

L’ambition est creuse, porteuse de néant et non d’exigence. L’excitation est vaniteuse, elle n’a plus que le goût de la trahison. Emmanuel Macron a été propulsé en urgence. La catastrophe politique touche tous les candidats du système. Il devait très rapidement constituer des réseaux de confiance pour donner l’impression d’être prêt. Et il lui faudra des mois – jusqu’en mars 2017 – pour qu’enfin émergent des propositions plus ou moins sérieuses. Ses conseillers se montrant tout aussi incapables d’imagination et de pensée que lui, il se voit obligé de mobiliser pour tenter de « Penser » conjoints et parents, dans l’indifférence et la bienveillance d’une presse trop excitée par une prise de pouvoir qui semble la dépasser, et en arrive – comble de la veulerie et de la compromission – à présenter comme une innovation l’absence de programme du candidat.

Unes qui auraient dû paraître dès le lendemain de la publication de « Mimi », sans jamais cesse ? Unes qui auraient dû, avec une immense violence, traquer les raisons de la suppression de l’ISF, jusqu’à ce que le doute ne soit plus permis, écrasant le pouvoir de ses velléités de compromission, lui exigeant de démontrer la source de ces fumeuses théories du ruissellement ? Ou, sans à aucun moment l’argumenter, lorsqu’il promulguait la loi scélérate sur le secret des affaires ? Où est donc passée cette absence de pudeur qui amène tout le monde à parler de la vie privée des puissants lorsque ces derniers en décident, et à se taire dès qu’elle pourrait les gêner ? Où sont ces photographies et ces papiers chargés de décortiquer non pas les yeux bleus du président, mais ses relations d’intérêt ?

S’appuyant sur la réserve de la gendarmerie, Alexandre Benalla avait ordre de faire entrer des civils au service de sécurité de l’Élysée. Il a eu la tutelle de gendarmes et de policiers mobilisés en cette maison d’où émanent les ordres qui font et défont les carrières de tous les fonctionnaires du pays. La chose est effarantes : par un stage de quelques semaines, si le système avait perduré, il aurait été possible d’intégrer au cœur de l’état un vigile sans qualification particulière, sans contrôle hiérarchique autre que celui décidé par le politique, pour le mettre au service d’un seul homme, et lui donner une autorité de facto sur l’ensemble des forces de l’ordre républicaines de ce pays.

Non d’un petit bonhomme

Tout d’abord, je ne souhaite pas m’étendre sur le style de Juan Branco, ce n’est pas mon propos : il s’agit d’un avocat donc quelqu’un qui a l’habitude de s’exprimer oralement avec une certaine éloquence, qui a certainement été formé pour cela. Il n’est pas écrivain, ne prétend pas l’être et ce livre n’est pas un roman.

Dans Crépuscule, il témoigne et présente avec sincérité ce qu’il a vécu et constaté en côtoyant l’entourage direct du président actuel. C’est ainsi qu’il nous fait sentir la dérive de notre république à simple coloration démocratique vers un pouvoir qui clairement ne relève plus de la chose publique (res publica)mais de la chose privée (et même très privée) d’un certain nombre d’oligarques dissimulés dans l’ombre et usant de la puissance conférée par le pouvoir symbolique de l’argent.

Il met en lumière la lâcheté des grands média et leur attitude de larbins face à la machinerie qui portera Macron au pouvoir. A ce propos il est édifiant de consulter le schéma du Monde Diplomatique : Médias français, qui possède quoi ? (https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/PPA#&gid=1&pid=1) Ce schéma aide à comprendre également comment les journalistes de base sont tenus par une presse qui est en dette envers l’argent des grandes fortunes qui l’ont sauvée. Derrière cet l’argent, la bourgeoisie journalistique n’ose plus rien et les jeunes journalistes restent enchainés à leur pige. Le détenant d’une de ces grandes fortunes qui possède la presse a d’ailleurs déclaré on ne peut plus clairement : « Je ne veux plus être emmerdé. »
Bernard Arnault, issu de la haute bourgeoisie catholique du Nord et d’Auvergne. 20 ans en 68.

Xavier Niel, petite bourgeoisie catholique de la région parisienne né en 67, ma génération, génération Punk, sexe et rock’n’ roll. A 17 ans, il fait ses armes dans le minitel rose des années 80.

Patrick Drahi, petite bourgeoisie intellectuelle franco-marocaine né en 1962. Homme de finance.

Ces trois personnes se sont acheté des journaux à forte influence bien avant l’arrivé de Macron.

Vous avez dit « 68 » ?
Oui, j’ai dit « 68 » !
« Il est interdit d’interdire », « Soyez réaliste demandez l’impossible » et tout ces grands slogans. Un mouvement conduit par des jeunes gens de 20 ans que nous retrouverons plus tard aux côtés de Macron comme un certain Cohn Bendit.

Maintenant, remontons une génération avant, c’est-à-dire en 1918 !

1918 : fin de la grande guerre où l’esprit de la nation fait faillite et a conduit à la grande boucherie qui a décimé tout une génération de jeunes hommes d’une vingtaine d’années.

1968 (une génération plus tard) : la liberté qui va se perdre dans le libéralisme, le néo-libéralisme, l’ultra libéralisme de ceux qui veulent Tout.

En France, c’est Mitterrand et, en 1983, Fabius qui vont permettre à un certain nombre d’oligarques, leurs amis issus des grandes écoles, de s’emparer des grandes entreprises privatisées. Servez-vous puisque je vous les donne ! Mais ces opérations sont parfaitement bien « vendues » à la population puisque même le populaire Yves Montand se laisse embarquer dans cette manipulation du « Vive la Crise » qui va imposer le néolibéralisme comme seule façon de penser. C’est le début en grande pompe de la Pensée Unique.

Que fait alors ma génération, celle qu’on appellera ensuite la « Bof Génération » ?

Rien !

Elle passe du Punk au Disco, elle prend de la drogue pour s’éclater pas pour explorer de nouvelles frontières.
Elle passe de Pierre Desproges aux Nuls !

Son slogan n’est presque « Plus rien ne vaut la peine de rien ! »

Et puis, à partir de 1993, arrive la génération Geek, Nerds, des jeunes de 20 ans qui portent entre autres l’idéologie du transhumanisme, de l’humain augmenté, concrétisée à l’écran par Matrix en 1998. Cette génération génère par là même un hyper narcissisme et un renfermement sur soi. Désormais on ne croit plus à 68, on n’y a jamais vraiment cru en voyant ce qu’est devenu la notion de Liberté c’est-à-dire la liberté pour le plus fort, la loi du plus fort, ce que depuis on nous demande d’accepter avec violence (restructuration sauvage dans les entreprises, destruction des services publics, répression policière…).

Rien ne vaut la peine de rien. Soit, je suis un winner, soit je suis un looser, pas d’alternative. A ce moment-là, on accepte cette vision des choses et on se perd dans une forme de désespoir de dandy.

Pendant ce temps, bien sûr, les affaires continuent et les grandes écoles (véritables nurseries d’oligarques) continuent de former en parallèle des gens comme Macron pour assurer la perpétuation du système.

Les personnes qui sont au pouvoir aujourd’hui sont donc les quarantenaires qui ont été formatés par l’esprit des grandes écoles des années 90. On voit maintenant plus clairement que jamais comment se sont constituées les différentes strates de la population, et comment on en est arrivés à la rupture évidente que l’on connait actuellement.

Où s’inscrit alors Juan Branco, l’auteur de Crépuscule ?

Formé exactement comme Macron et ses camarades, il fait plusieurs grandes écoles en France et aux Etats-Unis. Il est dans le système. Cependant, et je ne sais pas exactement pourquoi, il décide d’arrêter tout ça, de s’y opposer et de le dénoncer ouvertement. C’est ce qu’il fait dans ce livre et c’est pourquoi il est important de le lire.

Je tiens à ajouter que ce jeune homme n’est pas le seul à avoir cette prise de conscience. Autour de moi, je vois se multiplier les exemples de jeunes personnes, filles et garçons, qui ayant commencé par brillamment réussir dans des écoles comme HEC ou de prestigieuses écoles d’ingénieurs, ou même ayant commencé à travailler pour un haut salaire, décident de changer catégoriquement de voie et par exemple, se lancent dans une formation de tisserand ou de charpentier.

Je vois également certaines jeunes personnes, filles et garçons, qui sans pour l’instant changer de voie mais ne trouvant plus de sens à leur vie actuelle, entrent en thérapie, processus qui arrive généralement beaucoup plus tard dans une vie, c’est-à-dire à 50 ans.
Sur internet, fleurissent également de nombreux et brillants Youtubers produisant des émissions d’une clarté et d’une ouverture d’esprit incroyables.

Pour conclure, ce livre est non seulement une synthèse de notre histoire depuis 50 ans, mais aussi et surtout un appel au ralliement : cette nouvelle génération nous demande de la rejoindre pour tenter quelque chose non pas d’innovant, mais de réellement nouveau, une création, une recherche, une découverte, une invention.

Allons -nous écouter cette jeune génération que sont nos propres enfants et les suivre vers cette autre chose ?!

Alors lisons ce livre et suivons nos enfants ! Ils sont la flèche et nous sommes l’arc !