Une saison au Thoronet : Carnets spirituels de Pauline de Préval

Dans l’écrin solennel des matins de Carême au dimanche de Pâques, chaque feuillet tourné des carnets de Pauline de Préval devient un pas de plus sur le sentier montagneux de ma foi. Sous le voile des mots, elle guide mes pensées vers des sources plus claires, plus profondes, où la méditation se marie à l’amour et la confiance en une chorégraphie silencieuse mais vibrante. Avec elle, ces jours de 2024 s’illuminent d’une lumière toute particulière, celle de la réflexion et de l’introspection chrétienne.

Pauline, en formidable pèlerine des temps modernes, m’enseigne à vivre en chrétien non par de grandes déclarations mais par son murmure constant d’une vie vécue dans l’humilité et le service. Recevoir, donner, aimer, et témoigner en vérité de mon âme deviennent des actes révolutionnaires dans une ère marquée par le nihilisme et le désenchantement. Ses écrits, imprégnés de cette mission spirituelle qu’elle porte avec la délicatesse d’un souffle sans masque, me transmettent le courage de marcher à mon tour dans cette lumière en vérité.

Ma mère, dont la vie fut une fresque de lutte contre les ombres de la schizophrénie, aurait trouvé un écho dans ces pages. Elle, qui aimait Jésus, Marie, et Sainte Catherine Labourée avec une ferveur que ni la douleur ni la confusion n’ont pu éteindre, aurait vu en Pauline une compagne de route. Elle, qui rêvait d’écrire, d’être parmi ces femmes courageuses qui, avec plume et foi, traversent les tempêtes de la vie, aurait trouvé dans les carnets de Pauline un miroir de sa propre quête de lumière.

Au Thoronet, où l’histoire cistercienne se mêle à la quête moderne de sens, Pauline retrace un chemin de foi qui résonne étrangement avec le notre. L’abbaye, vestige d’un monde où Dieu était la quête ultime, se dresse comme un rappel que, malgré les siècles et les épreuves, le désert de nos cœurs peut toujours être un lieu de rencontre avec le divin.

La résonance de cette lecture m’accompagne, un murmure constant qui me rappelle que la foi n’est pas une possession, mais un sentier. Et dans ce sentier, Pauline de Préval est devenue pour moi une guide, une lumière qui, à travers ses mots, rend palpable la présence de l’Éternel et infini Amour de la vie et du mouvement, seul en communauté ou avec les autres, tous les autres.

Haïku

Matin de Carême,
Dans les mots, un sentier clair,
Foi douce s’éveille.

Tanka

Avec Pauline,
Marcher sous les voûtes anciennes,
Foi se dévoilant,
Chaque page un pas de plus,
Dans la danse de l’amour.

Sonnet ou surtout presque

Dans le silence des matins de Carême,
Je lis, inspiré par une plume sereine,
Pauline guide mon âme qui se démène,
Dans le labyrinthe où la foi elle-même.

Chaque mot une lumière qui suprême,
Éclaire le sentier où le doute peine,
À la maison, en écho, l’esprit traîne,
Vers des vérités que le cœur même sème.

Sa voix dans les carnets, douce et certaine,
Ressemble aux chants des moniales, reine,
Du Thoronet, où se tisse la trame ancienne.

Ainsi je marche, guidé par cette haleine,
De spiritualité pure, jamais vaine,
Pauline de Préval, dans l’âme, elle règne.

Des citations glanées

« Nous paraissons à des années-lumière de ce XIIe siècle où quelques hommes, chevaliers et paysans, moines et convers cisterciens, étaient venus ici chercher Dieu au désert. L’abbaye est devenue monument national. Il faut payer son ticket d’entrée pour la visiter, comme pour mieux consommer la défaite de cette belle rebelle devant l’esprit du monde.

Le monde dont je venais, par contraste, me fit penser à ces « milieux qui laissent un instant surnager ceci, cela: des blocs friables dans des soupes», décrits par Guattari et Deleuze dans Rhizome. Un monde où, coupé des racines qui le relient au monde naturel et au monde surnaturel, n’obéissent plus qu’aux lois de l’évolution technologique, ne construisant plus de temples que pour le commerce et consommant dans l’instant toutes ses possibilités de sens et de permanence, l’homme n’aura bientôt plus lieu d’être.
« 

« Nous connaissons, depuis, une crise sans précédent des représentations. Oui, mais quoi de plus logique que cette nuit des formes dans la nuit de la foi que nous traversons? Quand toute l’histoire de l’Occident depuis le XIIIe siècle avait été celle d’une inversion des hiérarchies de la contemplation vers l’action, d’un basculement des horizons de l’au-delà vers l’ici-bas et d’un retournement des facultés de l’homme de l’intérieur vers l’extérieur, se traduisant par la conquête d’un monde de plus en plus exclusivement réduit à sa dimension matérielle et scientifiquement observable, l’art moderne a eu soif d’explorer de nouvelles voies d’accès au mystère qui en avait été évincé. La photographie a eu cet effet salutaire de tuer l’obsession réaliste dans laquelle on avait voulu l’enfermer, et l’art abstrait celui de briser toutes les formes rigidifiées dans l’académisme dans lesquelles on l’avait fourvoyé. La peinture se trouvait ainsi rendue à sa vocation première qui est de toucher directement l’âme au moyen des lignes et des couleurs. Et Dieu, de son côté, que l’on avait commencé par soumettre à un espace purement géométrique au temps de la Renaissance, avant de le vaporiser, de le décolorer et de l’abstraire au temps des Lumières, retrouvait sa liberté. Mais en rejetant avec les formes anciennes toute référence au réel, de quoi pouvait encore accoucher l’art abstrait sinon d’ombres sans corps? Et dépouillé à ce point de ses formes humaines, trop humaines, combien d’hommes pourraient encore se reconnaître dans le Tout-Autre si Autre qui leur était suggéré ?« 

« Non, Dieu n’est pas mort à Auschwitz ni ailleurs, mais il n’en finit pas d’agoniser dans le cœur des hommes. Et sauf à laisser se perpétuer la barbarie, il faudrait aussi cesser de prendre la conséquence pour la cause: «Hitler est la caricature agrandie du bourgeois sans Dieu », avait écrit Max Jacob avant d’être arrêté par les nazis le 24 février 1944 à Saint-Benoît-sur-Loire où il s’était retiré à l’ombre de l’abbaye de Solesmes. La violence meurtrière qui s’est déchaînée alors ne prouve nullement l’absence de Dieu, mais la vérité profonde du mystère de la Croix, et la tragédie qu’engendre son oubli.« 

« La foi est une grâce qui ne se décrète ni ne se partage. Mais la faim si, et, aujourd’hui, c’est d’abord elle que j’aurais à offrir comme mon bien le plus précieux. Si je n’ai pas toujours eu la foi, j’ai toujours ressenti une faim que j’ai préféré laisser me creuser plutôt que de la combler avec les ersatz de biens qui m’étaient proposés, jusqu’au moment où j’ai réalisé que le manque même qu’elle avait fait grandir en moi s’était mis à me nourrir.«