Pour le 13ème fois le Cycle de Dune

Dans la vastitude des sables de Dune, l’âme s’immerge une treizième fois, sous ma plume critique, dans le cycle monumental de Frank Herbert. À chaque relecture, cette saga devient une nouvelle révélation, une méditation sur la nature humaine, la politique, la religion, et notre lutte incessante contre les prédestinations que nous nous créons.

Herbert, avec une finesse presque prophétique, tisse une épopée qui traverse le temps et l’espace, m’invitant à réfléchir sur les méandres de notre propre existence. Dans cette dernière lecture, je ne peux m’empêcher de voir l’écho de nos crises actuelles dans la lutte pour le pouvoir, le contrôle des ressources, et la quête incessante de l’humain pour une signification plus profonde.

Je trouve, au cœur de cette treizième lecture, un écho troublant avec les tourments de notre époque. Les conflits du monde de Dune résonnent d’une manière étrangement prophétique avec les tumultes de notre réalité actuelle.

Je ne peux ignorer la tragédie qui se déroule entre Israël et la Palestine, où chaque jour apporte son lot de désespoir et de mort. La terre sainte, loin de son idéal de paix, est devenue un champ de bataille où la vie humaine semble avoir perdu toute sacralité. Là-bas, les Palestiniens tombent sous des assauts impitoyables, victimes d’une lutte sans fin pour la terre et l’identité.

À l’Est, la Russie et l’Ukraine sont enfermées dans une guerre qui dévore non seulement les corps mais aussi l’âme des nations, un conflit où l’histoire, la fierté et la peur se mêlent pour créer un cycle apparemment infini de violence. Et il ne s’agit là que de l’un des nombreux affrontements qui déchirent notre monde, de l’Afrique à l’Asie, où d’innombrables vies sont prises dans le tourbillon de la guerre.

Mais la lutte ne se limite pas aux champs de bataille. Dans nos sociétés qui se targuent d’être des phares de lumière et de raison, nous assistons à une montée inquiétante des régimes fascistes nationaux et fascistes néolibéraux. Sous des bannières diverses, ces idéologies propagent une vision du monde où l’égoïsme, la peur de l’autre et l’avidité sont non seulement acceptés mais encouragés. Elles menacent de détruire les fondements de notre coexistence, semant la division et l’hostilité là où devraient régner la compréhension et la solidarité.

Dans « La Maison des Mères », la leçon ultime est celle de la mesure et de l’acceptation de vivre dans un monde incertain et toujours inattendu. Alors que je referme ce cycle, je suis frappé par la pertinence de cette leçon pour notre propre monde. En ces temps troublés, nous avons plus que jamais besoin de cette sagesse, de cette capacité à voir au-delà de nos différences et à reconnaître notre humanité commune. Nous avons besoin de la littérature, de la danse, de l’art, pour nous rappeler les vérités éternelles et pour nous guider vers un avenir où la paix et la compréhension prévaudront sur la haine et la division.

Les personnages, plus que de simples acteurs dans un drame de science-fiction, sont des reflets de nous-mêmes, avec nos ambitions, nos peurs et nos espoirs. Paul Atréides, avec sa vision prédestinée et son fardeau de messie, nous parle de la solitude du pouvoir et du danger des idéologies non contrôlées. Les Bene Gesserit, avec leur mélange de sagesse et de manipulation, rappellent les complexités du pouvoir féminin dans un monde dominé par les hommes.
La richesse thématique de Dune est un miroir de la complexité de l’âme humaine, un miroir dans lequel je me suis plongé à chaque période cruciale de ma vie.

En ce qui concerne l’extension de l’univers par son fils, je demeure sceptique. Brian Herbert, bien que diligent dans sa continuation de l’univers, n’a pas saisi l’essence métaphysique et philosophique qui fait le cœur battant de l’œuvre originale. Les machines, comme ennemis dans les suites, me semblent une interprétation superficielle et manquée du tabou profond laissé par le Jihad butlérien.

En conclusion, le cycle de Dune n’est pas simplement une série de livres à lire ; c’est une expérience à vivre, une quête de compréhension qui dépasse les frontières de l’imagination pour toucher les cordes profondes de notre être. C’est une œuvre qui nous rappelle que, malgré nos ténèbres, il y a toujours un chemin vers la lumière, une danse avec l’incertitude qui peut nous mener vers une nouvelle aube.

Un peu Fan : 1ere lecture 1979 par le magnifique conseil de ma prof d’anglais de l’époque

Haïku

Dans l’ombre de Dune d’Herbert,
Guerres et pleurs résonnent,
L’humanité gronde.

Tanka

Terre déchirée, sang versé,
Sous Dune et étoiles, espoirs brisés.
Prière pour paix, un souffle léger,
Dans la nuit, un rêve éveillé,
L’humanité cherche sa clarté.

Sonnet ou presque

Au cœur des sables mouvants de la guerre,
Où l’humanité se perd et désespère,
Là, sous la voûte étoilée de nos erreurs,
Gît le reflet de nos plus grandes terreurs.

Israël assassine, la Palestine se meurt,
L’Ukraine saigne sous le joug du conquérant,
Et le monde, témoin impuissant,
Assiste au triomphe de la peur.

Mais dans la nuit, une lueur persiste,
Portée par les mots et la danse, insiste,
Un appel à l’amour, à la fraternité,

Pour que demain ne soit pas que fatalité.
Dans chaque cœur bat l’espoir d’un matin,
Où la paix sculptera enfin notre Dune.

Céline écrivait et j’en tire

La grossièreté n’est supportable qu’en langage parlé, vivant, et rien n’est plus difficile que de diriger, dominer, transporter la langue parlée, le langage émotif, le seul sincère, le langage usuel, en langue écrite, de le fixer sans le tuer… Essayez… Voici la terrible  » technique  » où la plupart des écrivains s’effondrent, mille fois plus ardue que l’écriture dite  » artiste  » ou  » dépouillée « ,  » standard  » moulée, maniérée que l’on apprend branleux en grammaire dès l’école. Rictus que l’on cite toujours n’y réussissait pas toujours, loin de là ! Force lui était de recourir aux élisions, abréviations, apostrophes… Tricheries ! Le maître du genre c’est Villon, sans conteste. Montaigne plein de prétentions à cet égard, écrit tout juste à l’opposé, en juif, semeur d’arabesques, presque du  » France  » avant la lettre, du Pré-Proust…
Dès qu’on se sent un peu  » commun  » dans la fibre et l’intimité, le mieux, de beaucoup, sans conteste, c’est de se vouer aux bonnes manières, de faire carrière en  » dépouillerie  » en élégante concision, sobriété délicate, finement tremblotante, colettisme. Tous les  » parfaits styles  » dès lors vous appartiennent, avec plus ou moins de petit doigt, lon-laire !
Plus rien à craindre de vos élans !… Vous ne serez jamais découvert, le monde, si bourbeux, si porc, tellement irrémédiablement bas du cul, ses  » chiots  » toujours si près des talons, ne se torche que de papillottes, pasteurisées… Toute sa distinction !… La seule à vrai dire. Pour cette raison et nulle autre, vous observerez que les dames s’effarent et se déconcertent, interpellées en durs propos, tressaillent des moindres grossièretés.
Elles toujours si près du balai, toujours si boniches par nature, dès qu’elles écrivent, c’est au plus précieux, au plus raffiné, aux orchidées qu’elles s’accordent… Elles n’empruntent qu’à Musset, Marivaux, Noailles, ou Racine, leurs séductions, leurs travestis. Supposons qu’elles se laissent aller… quel déballage ! une minute ! Jugement de Dieu !… Ce serait alors vraiment la fin du monde ! Ecrire pourtant de cul, de bite, de merde, en soi n’est rien d’obscène, ni vulgaire.
(…)
Dans ce but, rien ne leur paraît plus convaincant, plus décisif, que le récit des épreuves d’amour… de l’Amour… pour l’Amour… par l’Amour… tout le  » bidet lyrique  » en somme… Ils en ont plein les babines, ces croulants dégénérés maniéreux cochons de leur  » Amour  » !…
C’est en écrivant d’Amour à perte d’âme, en vocabulant sur mille tons d’Amour, qu’ils s’estiment sauvés… Mais voici précisément, canailles ! le mot d’infamie ! le rance des étables, le vocable le plus lourd d’abjections qu’il soit !… l’immondice maléfique ! le mot le plus puant, obscène, glaireux, du dictionnaire ! avec  » cœur  » ! Je l’oubliais cet autre renvoi visqueux ! La marque d’une bassesse intime, d’une impudeur, d’une insensibilité de vache vautrée, irrévocable, pour litières artistico-merdeuses extraordinairement infamantes…
Chaque lettre de chacun de ces mots suaves pèse sa bonne demi-tonne de chiasse, exquise… Tous les jurys Feminas s’en ravissent intimement, festoyeusement  » tout à la merde « , s’en affriolent en sonnets, pellicules, conférences, mille tartines et téléphones et doux billets…

Louis-Ferdinand CÉLINE — Bagatelles pour un massacre; Éditions Denoël.1937


Haiku

Grossièreté en mot,
Parlé vivant, écrit mort,
Langage sursaut.

Tanka

Écrivains effondrés, l’art déplié,
Langue usuelle en grammaire moulée.
Villon maître, sans tricherie,
Montaigne, arabesque, ironie.
La plume, sans cesse, est ébranlée.

L’à peu près Sonnet

Dans le langage, une dualité,
Parlé vivant, écrit en mortalité.
Un défi pour l’écrivain passionné,
De transformer, sans tuer, l’émotivité.

Villon, sans artifice, a régné,
Montaigne, dans l’artifice, a pénétré.
La plume glisse, tremble, parfois étranglée,
Dans les limites de l’élégance, emprisonnée.

L’élan de la vérité est souvent bridé,
Par le souci d’être trop raffiné.
Mais écrire du cœur, de l’amour, sans pudeur,

N’est pas obscène, mais un honneur.
Alors, que les mots déballent, en liberté,
L’authenticité de notre humanité.