Le Magicien par Colm Toibin

Bien, voilà, je l’ai terminé. Et à la fin de ces 400 pages, une question tristement poignante se pose : à quoi bon ce roman ? D’emblée, je tiens à exprimer mon respect pour l’auteur, Colm Toibin. Son travail est indéniablement soigné. Mais pour en apprendre autant sur Thomas Mann, une simple consultation de la page Wikipédia suffit, sans même recourir à l’universalisme.
Pour mieux comprendre l’époque, il est plus judicieux de se tourner vers les écrits d’un historien tel que Johann Chapoutot. Quant à découvrir des personnages avec une véritable profondeur, le compte n’y est pas.

Sincèrement, je me suis ennuyé. J’ai poursuivi ma lecture jusqu’au bout par respect pour la personne qui m’avait offert ce livre, sachant que j’appréciais les romans de Thomas Mann. Mais il finira dans une boîte à livres de mon village de vacances.
Un roman qui narre année après année la vie bourgeoise, une existence à peine effleurée par les remous du monde, ne m’a pas rendu ce personnage plus sympathique. Au contraire, il a quelque peu écorné l’image que je me faisais de lui.

Je n’ai aucune citation à offrir ; le style d’écriture ne m’a ni ému, ni transporté. En conclusion, je dirais que ce roman m’a ennuyé comme un épisode de l’inspecteur Derrick. Pas d’émotions fortes, rien qui ne m’ait vraiment touché.

Haïku

Pages sans passion,
Bourgeois ennui de roman,
Mann reste distant.

Tanka

Quatre cents pages lues,
Un cadeau sans émotion,
Bourgeois ennui cru,
Pas de profonde immersion,
Mann, l’ombre sans dimension.

Sonnet ou presque

J’ai terminé ce long récit sans âme,
Quatre cents pages où le cœur n’a pas battu,
Toibin a-t-il perdu sa flamme,
Ou est-ce Mann que rien n’a défendu ?

Des années bourgeoises, l’ennui en cadence,
Un roman qui glisse sans empreinte,
Nulle émotion, nul instant d’errance,
Rien que la vie lisse d’une âme éteinte.

Un cadeau lu par respect et ennui,
Un livre qui restera sans mémoire,
Comme un vieux feuilleton sans bruits.

Loin des émois et des destins noirs,
Mann reste une ombre, un fantôme distant,
Roman fermé, le cœur indifférent.

Hommage à Simone Weil : jour 5

Simone Weil, l’âme vibrante comme la lumière de la lampe à huile, Simone veille. Elle scrute l’horizon du monde avec un regard perçant, entre les frémissements des feuilles de cerisiers. Simone réveille, telle une brise fraîche soufflant sur les braises d’un feu ancien, apportant l’aube d’un renouveau. Elle m’émerveille, comme la clarté qui traverse les feuillages au matin, illuminant les sentiers obscurs de la pensée humaine.

Pensée de Simone Weil

« Quand quelque chose semble impossible à obtenir, quelque effort que l’on fasse, cela indique une limite infranchissable à ce niveau et la nécessité d’un changement de niveau, d’une rupture de plafond. S’épuiser en efforts à ce niveau dégrade. Il vaut mieux accepter le limite, le contempler et en savourer toute l’amertume. »

Alors ?

Ah, Simone, toi qui savais que la sagesse ne s’acquiert qu’au prix de l’acceptation de nos propres faiblesses. Maman, l’autre Simone, se trouvait déchirée entre deux portes. D’un côté, l’exaltation lumineuse des champs de blé, de l’autre, le gouffre du désespoir, noir et profond comme une nuit sans étoiles. Maman n’avait pas le permis ; quand elle partait, elle le faisait à pied, traversant les chemins poussiéreux de la campagne auvergnate pour rejoindre la gare. Elle marchait d’un bon pas, les pas rythmés par le murmure des ruisseaux et le chant des oiseaux, ouvrant l’une des deux portes, toujours. Dans ses petits cahiers de brouillon, elle écrivait les mystères, ces pièces de théâtre de la vie des saints, où la lumière divine éclairait les âmes en peine. Maman aimait Simone Weil et Sainte Thérèse de Lisieux, avec ses petites fleurs de foi.

Aujourd’hui, en ces temps de tourments où deux portes s’ouvrent devant nous, l’une dévorante de ténèbres, l’autre porteuse d’un espoir insensé qui réclame notre engagement, je pense aux deux Simone. Elles nous rappellent que même dans les moments les plus sombres, il y a toujours une lueur d’espoir, une clarté qui guide nos pas vers un avenir meilleur.

Haïku

Simone veille là,
Ombres et lumières dansent,
Espoir en éveil.

Tanka

Deux portes s’ouvrent, là,
Ténèbres ou clair espoir,
Simone en écrin,
Mystères en petits cahiers,
Chemins d’âmes en campagne.

Sonnet ou presque

Au cœur des nuits où brille une étoile rare,
Simone veille, chant d’aube et de lumière,
Réveille l’âme dans un souffle clair,
Elle m’émerveille, éclat de phare.

Ma mère, l’autre Simone, traversait les brumes,
Portée par l’espoir ou le désespoir,
Écrivant dans ses cahiers, mystères des saints, l’art
De l’âme en quête d’un peu de parfums et de plumes.

Aujourd’hui, deux portes s’ouvrent devant nous,
Ténèbres voraces ou espoir insensé,
Engagement exigeant d’un monde en feu,

Je pense aux deux Simone, à leur regard doux,
Guidant nos pas dans un sentier tracé,
Vers un avenir où l’amour fait vœu.

Hommage à Simone Weil : jour 4

Ma mère, c’était Simone. Pas seulement une mère, mais une femme qui avait plongé ses yeux dans les vies des saints tout en étant imprégnée de l’essence même de Simone Weil. C’est en son hommage, et à cette grande philosophe, que je me replonge dans « La pesanteur et la grâce » en cet été qui refuse de s’installer, dans une époque où l’extrême droite, avide de revanche, griffe notre culture, menaçant mes amis de diverses confessions.

Texte

Apprends à repousser l’amitié, ou plutôt le rêve de l’amitié. Désirer l’amitié est une grande faute. L’amitié doit être une joie gratuite, comme celles que donnent l’art ou la vie. Il faut la refuser pour être digne de la recevoir : elle est de l’ordre de la grâce. Elle est de ces choses qui sont données par surcroît. Tout rêve d’amitié mérite d’être brisé. Ce n’est pas par hasard que tu n’as jamais été aimé… Désirer échapper à la solitude est une lâcheté. L’amitié ne se recherche pas, ne se rêve pas, ne se désire pas ; elle s’exerce. C’est une vertu. Abolir toute cette marge de sentiment, impure et trouble. Schluss!

Ou plutôt, car il ne faut pas élaguer en soi avec trop de rigueur, tout ce qui, dans l’amitié, ne passe pas en échanges effectifs doit passer en pensées réfléchies. Il est bien inutile de se passer de la vertu inspiratrice de l’amitié. Ce qui doit être sévèrement interdit, c’est de rêver aux jouissances du sentiment. C’est de la corruption. Et c’est aussi bête que de rêver à la musique ou à la peinture. L’amitié ne se laisse pas détacher de la réalité, pas plus que le beau. Elle constitue un miracle, comme le beau. Et le miracle consiste simplement dans le fait qu’elle existe. À vingt-cinq ans, il est largement temps d’en finir radicalement avec l’adolescence

Alors ?

Dans ces mots, je vois la dureté nécessaire pour affronter un monde hostile, où la quête de pureté et de vérité est constamment mise à l’épreuve. Ma mère, Simone, luttait contre ses ténèbres intérieures et extérieures. Et moi, en lisant ces mots, je sens ces obscurités me traverser. Rester debout, à affronter le monde avec intégrité.

Parce que c’est dans l’ombre et la douleur que la véritable lumière de l’amitié, de la grâce, se révèle.

Haïku

Sous l’ombre des jours,
Simone éclaire nos cœurs,
Amitié sans rêves.

Tanka

Rêve d’amitié brisé,
Simone, humaine austère,
Dans l’ombre, force cachée,
La grâce de l’âme claire,
Amitié, vertu née.