Je suis Ashaisha. Je suis la fille de Tanka Wanka, le grand Esprit. Tanka Wanka est ma Mère, mon Père, mon Grand-Père, ma Grand-Mère. Je l’aime et il m’aime. Vent du cosmos s’élève entre nous, portant notre amour. Tous, nous formons un. Il m’aime tant que Vent souffle sur le néant et advient le temps, advient la matière. J’ai vu naitre tout. J’ai vu naitre les humains, pauvres animaux gouvernés par Peur et Convoitise. Convoitise de la chefferie, convoitise des femelles de la horde, Peur de l’autre et Peur de perdre. Mon nom devint alors Tristesse.
Grand-Mère, par amour, fit souffler Vent sur les humains. Le cadeau était la conscience, la sorofraternité, l’égalité entre toutes et tous. Et la liberté de choisir. Peur et Convoitise devinrent inutiles.
Mais Angoisse se présenta.
Angoisse, questions sans réponses, qui, par-delà Néant, donne à voir l’infinitude de la création permanente de Grand-Père. Alors, Mère put ! Elle appela Vent et offrit le Verbe, le langage à tous les humains. Des langages, aussi variés que les fleurs de la prairie, des montagnes ou du désert qui enchantent notre amour.
Conscience et Verbe fortifiaient la liberté des humains à s’émerveiller de leurs questions. Liberté d’en faire usage en sorofraternité, en égalité entre toutes et tous. Les fleurs des champs sont-elles plus belles que les fleurs du désert ? L’aube est-il plus mystérieux que le crépuscule ? La naissance est-elle plus riche que la mort ? Vivre ensemble en paix est-il préférable à se choisir un chef de guerre ?
En favorisant la liberté sans la sorofraternité, les humains (surtout les hommes) privilégièrent la puissance du feu, la puissance du métal et imposèrent leur domination. Ma peine réapparue, Grand-Père l’utilisa pour agrandir le Cosmos.
Mais Père vit en moi. Il vit mon désir de les sauver toutes et tous pour qu’ils retrouvent le chemin de l’angoisse infinie et de la beauté de leurs questions. Les certitudes figent leur monde et les éloignent de leur nature offerte. Alors il s’assit avec moi au bord de la création, derrière nous, Néant toujours à l’affut.
— Tu veux les sauver, ma fille ?
— Oui, Père Mère Grand-Mère Grand-Père.
— Es-tu prête à tout pour cela ?
— Oui !
— Alors il va te falloir faire le grand sacrifice. Le sacrifice de devenir l’un d’entre eux et de faire le grand voyage de leur vie. De leur naissance à leur mort et de parcourir leurs peurs, leurs craintes et prendre sur toi partout où ils ont fait fausse route. Ce sera souffrance, déception et quelques joies. Mais à la fin tu devras affronter le Néant, le Rien.
Père scruta les temps et les lieux de la terre. Mère découvrit la jeune fille, à peine sortie de l’enfance. Une jeune fille au cœur pur de l’amour qu’elle portait au charpentier veuf, de plusieurs années son aîné. Mère m’assura que c’est en cette jeune fille que je prendrai chair. Une fois cela fait, je ne pourrai plus revenir en arrière. J’oublierai et je devrai me souvenir.
Quand cela commença, j’étais à côté de ce petit œuf non fécondé, et celui-ci se divisa, comme s’il avait connu l’homme. Alors je devais me glisser en esprit par le souffle de Vent en lui. Ma dernière pensée, comme une illumination, fut que je devrais être un homme, un mâle.
Et tout s’arrêta. . .
Tout commença. . .
Mais vous connaissez la suite. . .
Je suis Ashaisha. Je suis la fille de Tanka Wanka. Et je suis Jésus le fils de Marie.
Et je danse pour vous depuis toujours et à jamais. . .

