
« Pour la dernière semaine sur le thème de la musique, je vous propose de la musique classique, la 9e symphonie de Beethoven – 3e mouvement. Les règles sont les suivantes: écrire un texte (pas de poésie) à la première personne du singulier. Le texte ne devra pas parler de la musique en elle-même mais de ce qu’elle évoque pour vous, ce qu’elle fait naître comme image(s) et émotion(s). »
Mai 1968, Gignat
Premier matin du printemps, les odeurs de foin frais flottent dans l’atmosphère. Toute ma bergerie ondule de son impatience tranquille. Ce matin j’y descends, en une aube vibrante de la future chaleur du jour. Je dois nourrir les brebis, je passe par la meule et entrouvre la petite porte de coté. Les brebis se pressent aussitôt alors que je distribue le foin d’hiver dans les râteliers. Elles me pressent laineusement, doucement, rêveusement. Elles me bêlent que le temps est peut-être venu d’ouvrir le portail de l’enclot. Ma chienne se dévoile suivis par Fanchon. Je les salue toutes deux. Sheila aboie en sourdine pour éviter que toutes ces dames s’impatientent. Elle sait, elle aussi que le temps est venu de ressortir.
Viviane, ce matin est venue. Elle est venue de loin, voir ma bergerie qui s’éveille après ce long hiver humide et tiède, ce long hiver qui la tenue dans le froid de sa tombe. Le froid de son cercueil où l’a fait tomber tout un village indifférent et ayant la langue mauvaise. Ce matin, Viviane me regarde, sourit, elle a suivi ma chienne car elle sait qu’il est temps de se préparer à la joie.
Le soleil, perce en douceur l’horizon et le fantôme de mon premier amour s’évapore dans la lumière du matin naissant. Elle me sourit, mon premier amour, que je ne savais pas être mon premier amour.
Je m’agenouille près de ma chienne et de ma brebis fanchon, je pleure quelque instant et je me relève pour ouvrir la grande porte de la bergerie. Sheila et la brebis regarde une dernière fois l’ombre de Viviane dans un dernier sourire, je dis « oui » des yeux qu’il est temps de ressortir, de prendre le chemin qui monte vers les chaumes grasses, vers la pâture qui attend le troupeau.
Maintenant nous savons toutes les trois que quelque chose va arriver. Nous savons toutes les trois par nos mots que c’est le début d’une vie entière avec ton souvenir Viviane.
Et ce matin je pense à emporter dans ma besace de berger l’évangile selon saint Marc. Je sais déjà que je chanterais pour toi Viviane un chant de joie pour réchauffer ta tombe.
La chatte du foin d’hiver nous regarde partir. Elle, elle sait tout cela.
Et voilà ce qui m’est venu en écoutant ce morceau. Un souvenir de mon enfance, lorsque je gardais les moutons de mon père.
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C’est très joliment écrit!
Merci
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